Crédit immobilier : réforme de l’assurance emprunteur
N° 2022-03 / À jour au 13 juillet 2022
Loi n° 2022-270 du 28.2.22 : JO du 1.3.22 / arrêté du 27.5.22 : JO du 29.5.22
Présenté en Conseil des ministres le 29 octobre 2021, le projet de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur a été examiné en Commission mixte paritaire (CMP) le 3 février 2022. Le texte issu des travaux de la CMP a été adopté par l’Assemblée nationale le 15 février 2022 et par le Sénat le 17 février 2022.
La loi du 28 février 2022 prévoit notamment :
- la possibilité pour l’emprunteur de résilier à tout moment son contrat d’assurance ;
- davantage de transparence sur les informations transmises à l’emprunteur pour exercer ce droit ;
- la modification des conditions d’application du droit à l’oubli et de la grille de référence de la convention AERAS ;
- la suppression du questionnaire médical pour certains prêts immobiliers.
L’arrêté du 27 mai 2022 a précisé le contenu de la fiche standardisée d’information sur l’assurance emprunteur.
Libre choix du contrat d’assurance emprunteur
(loi du 28.2.22 : art. 1 à 6 / Code des assurances : L.113-5-3 [nouveau] et L.113-12-2 / Code de la mutualité : L.221-10 et L.221-10-4 [nouveau] / Code de la consommation : L.313 8, L.313 28, L.313-30 à L.313-32)
L’assurance emprunteur permet de garantir un crédit immobilier en cas de défaut de remboursement des échéances, dû à une incapacité physique, une perte d’emploi, ou le décès de l’emprunteur. Bien qu’elle ne soit pas obligatoire, cette assurance est, en pratique, imposée par les établissements bancaires pour la souscription d’un crédit.
Elle peut être souscrite auprès de l’établissement prêteur dans le cadre d’un contrat dit “de groupe”, mais également auprès de l’organisme d’assurance choisi par l’emprunteur, sous conditions.
Afin de renforcer le libre choix de son assurance par l’emprunteur, un certain nombre de modifications sont apportées aux conditions de souscription d’un contrat d’assurance dans le cadre d’un crédit immobilier. Ces modifications concernent :
- le droit à substitution de l’assurance au moment de la demande de prêt ;
- les conditions de résiliation du contrat d’assurance une fois ce dernier souscrit ;
- les obligations d’information pesant sur l’organisme d’assurance.
Ces mesures seront applicables aux nouvelles offres de prêts émises à compter du 1er juin 2022 (loi du 28.2.22 : art. 8, I). Pour les contrats d’assurance en cours d’exécution à cette date, ces mesures seront applicables à compter du 1er septembre 2022 (loi du 28.2.22 : art. 8, II).
Substitution du contrat d’assurance lors de la conclusion du contrat de prêt
(loi du 28.2.22 : art. 6 / C. conso : L.313-32)
Actuellement, les conditions dans lesquelles l’emprunteur a la possibilité de changer de contrat d’assurance sont strictement encadrées. L’emprunteur peut résilier son contrat :
- à tout moment dans un délai de 12 mois à compter de la signature de l’offre de prêt (loi du 17.3.14 relative à la consommation, dite "Loi Hamon") ;
- à chaque échéance annuelle, depuis le 1er janvier 2018 (loi du 21.2.17, dite "réforme Bourquin" / Code des assurances : L.113-12 / Code de la mutualité : L.221-10).
La loi simplifie les conditions de résiliation et permet à l’emprunteur de résilier son contrat à tout moment. Il ne sera donc plus tenu d’attendre la date anniversaire du contrat.
Information de l’emprunteur
(loi du 28.2.22 : art. 3, 4 et 7 et arrêté du 27.5.22 / Code des assurances : L.113-15-3 [nouveau] / C. conso : L.313-8, L.341-26-1 [nouveau], L.341-44-1 [nouveau] et L.511-7 / Code de la mutualité : L.221-10-4 [nouveau] / arrêté du 29.4.15)
Pour faciliter le droit à résiliation de l’assurance emprunteur, les obligations d’information pesant sur l’assureur et l’organisme prêteur sont renforcées pour plus de transparence.
Préalablement à la formulation d’une offre de prêt, l'organisme prêteur est tenu de fournir un document mentionnant le coût de l’assurance emprunteur.
Ce coût est notamment exprimé en montant total en euros dû par l’emprunteur au titre de l’assurance sur la durée totale du prêt. À la suite de la recommandation du Comité consultatif du secteur financier (CSCF), il devra également être exprimé sur une durée de huit ans (correspondant à la durée moyenne de remboursement d’un crédit immobilier).
La notice d’information énumérant les risques garantis et les modalités de mise en jeu de l’assurance emprunteur, jointe au contrat de prêt, sera également complétée afin d’indiquer la possibilité pour l’emprunteur de résilier le contrat d’assurance à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt.
De plus, l’assureur devra informer chaque année l’emprunteur de l’existence d’un droit à résiliation à tout moment et lui préciser ces modalités et les délais de notification et d’information à respecter.
Les manquements à cette obligation d’information de l’assureur pourront être constatés et sanctionnés par :
- l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (Code des assurances : livre III, titre 1er, chapitre 1er, section II) ;
- les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Ils sont passibles d’une amende administrative, prononcée par l’Autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation (DGCCRF), dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
L’arrêté du 27 mai 2022, pris en application de la loi du 28 février 2022, a précisé le contenu de la fiche standardisée d’information sur l’assurance emprunteur. Pour mémoire, cette fiche est remise par la banque au candidat emprunteur et a pour objet notamment de l’informer sur les garanties et conditions de prise en charge de l’assurance, son tarif, les modalités pour changer d’assureur. Il intègre dans la fiche, en modifiant l’arrêté du 29 avril 2015, les apports de la loi avec les informations suivantes :
- la garantie invalidité du contrat est indépendante de la notion d'invalidité retenue par la sécurité sociale ou tout autre organisme compétent (l’assureur est tenu par la seule définition figurant au contrat) ;
- la mention relative au coût total de l'assurance en euros sur les huit premières années, à compter de la date d'effet du contrat de prêt, est précisée ;
- le questionnaire médical peut être demandé par l’assureur, si la part assurée excède 200 000 euros (en intégrant tous les emprunts souscrits, même dans d’autres établissements) et si la dernière échéance du remboursement du crédit intervient après le 60ème anniversaire de l’emprunteur.
Enfin, l’arrêté intègre dans la fiche la possibilité de souscrire une assurance auprès de l'assureur de son choix et de la proposer en garantie au prêteur, qui ne peut pas la refuser si elle présente un niveau de garantie équivalent au contrat d'assurance proposé ou à celui en cours. Il rappelle également la possibilité de résilier à tout moment l'assurance emprunteur en cours, en remplacement de la règle ancienne de résiliation annuelle après la première année.
Cet arrêté est en vigueur depuis le 1er juin 2022.
Notification de la demande de résiliation
(loi du 28.2.22 : art. 1 / Code des assurances : L.113-12-2 et Code de la mutualité : L.221-10)
La loi modifie les modalités de notification de la demande de résiliation. Il n’est plus exigé qu’elle soit faite par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique. L’assuré pourra choisir entre les modalités suivantes (Code des assurances : L.113-14) :
- par lettre ou tout autre support durable ;
- par déclaration faite au siège social ou chez le représentant de l'assureur ;
- par acte extrajudiciaire ;
- lorsque l'assureur propose la conclusion de contrat par un mode de communication à distance, par le même mode de communication ;
- par tout autre moyen prévu par le contrat.
Comme auparavant, l’emprunteur devra notifier à l'assureur, par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, la décision du prêteur (d’acceptation ou de refus), ainsi que la date de prise d'effet du contrat d'assurance accepté en substitution par le prêteur.
Acceptation de la résiliation par l’organisme prêteur
(loi du 28.2.22 : art. 5 / C. conso : L.313-31)
Pour mémoire, en cas d’acceptation par l’organisme prêteur, la résiliation du contrat d'assurance prend effet 10 jours après la réception par l'assureur de cette notification ou à la date de prise d'effet du contrat accepté en substitution si celle-ci est postérieure.
Comme auparavant, l’organisme prêteur doit modifier par voie d'avenant le contrat de crédit afin d’y indiquer notamment le nouveau Taux annuel effectif global (TAEG).
La loi impose à la banque que cette modification intervienne dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution.
Refus de changement d’assurance par le prêteur : renforcement de l’obligation de motivation
(loi du 28.2.22 : art. 2 / C. conso : L.313-8, L.313-28 et L.313-30 à L.313-32)
Lorsque l’emprunteur adresse à l’organisme prêteur une demande de changement de contrat d’assurance (avant la signature de l’offre de prêt ou pour résilier le contrat déjà souscrit), le prêteur est contraint d'accepter le nouveau contrat présenté, sauf s’il ne présente pas un niveau de garantie équivalent au contrat initial (C.conso : L.313-30).
Toute décision de refus de la part de l’établissement prêteur doit être motivée.
Afin de rendre plus effectif le droit de résiliation ou de substitution du contrat d’assurance par l’emprunteur, la loi prévoit de renforcer les conditions dans lesquelles l’organisme prêteur doit motiver son refus. Toute décision de refus devra être explicite et comporter l’intégralité des motifs de refus. Elle devra préciser, le cas échéant, les informations et garanties manquantes dans le contrat proposé par l’emprunteur.
Droit à l’oubli et évolution de la grille de référence “AERAS”
(loi du 28.2.22 : art. 9 / Code de la santé publique : L.1141-5)
Mise en place par la loi du 31 janvier 2007, la convention AERAS (s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) permet aux personnes présentant un risque aggravé de santé ou un handicap, un accès facilité au crédit et à l’assurance des prêts ainsi qu'un endettement à un coût modéré pour leurs projets immobiliers.
Elle est conclue entre l’État, les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit, les sociétés de financement, les entreprises d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance ainsi que des organisations nationales représentant les malades et les usagers du système de santé ou représentant les personnes handicapées (“les signataires”).
Elle détermine notamment les modalités et les délais au-delà desquels les personnes ayant souffert d’une pathologie cancéreuse ou d’autres pathologies, y compris chroniques (définis dans le cadre d’une grille de référence), ne peuvent se voir appliquer ni majoration de tarifs, ni exclusion de garantie pour leurs contrats d’assurance garantissant un crédit relevant de cette convention (Code de la santé publique : L.1141-5).
Elle prévoit en outre un “droit à l’oubli”, c’est-à-dire les délais au-delà desquels aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses ne peut être recueillie par les organismes assureurs.
Depuis le 1er septembre 2020, pour les cancers s’étant déclarés avant l’âge de 21 ans (auparavant, avant l’âge de 18 ans), le droit à l’oubli s'exerce lorsque le protocole thérapeutique est terminé depuis plus de cinq ans et qu’aucune rechute n’a été constatée (loi du 26.1.16). Dans les autres cas, le droit à l’oubli s'exerce lorsque le protocole thérapeutique est terminé depuis plus de 10 ans et qu’aucune rechute n’a été constatée.
La loi abaisse le délai de mise en œuvre du droit à l’oubli de dix à cinq ans à compter de la fin du protocole thérapeutique pour les pathologies cancéreuses (quel que soit l’âge de l’assuré) et étend le bénéfice du droit à l’oubli en cas d’hépatite virale C.
Les signataires de la Convention devront engager une négociation avant le 2 juin 2022 pour :
- étendre le droit à l’oubli à des pathologies autres que cancéreuses ;
- inclure à davantage de pathologies autres que les pathologies cancéreuses l’absence de majoration de tarifs ou d’exclusion de garantie pour la grille de référence AERAS ;
- augmenter le montant de prêt garanti (actuellement de 320 000 euros dans la convention).
La Commission de suivi et de propositions de la convention sera chargée de remettre au gouvernement et au Parlement un rapport sur l’avancement des travaux.
Si les signataires n’entament pas les négociations dans le délai prévu, les conditions d’accès à la convention pourront être fixées par décret en Conseil d’Etat au plus tard le 31 juillet 2022.
Il est précisé que ces conditions seront fixées à un niveau au moins aussi favorable que celles en vigueur à la date de publication de la loi.
Suppression du questionnaire médical pour certains prêts immobiliers
(loi du 28.2.22 : art. 10 / Code des assurances : L.113-2-1 [nouveau])
Pour mémoire, lors de la conclusion du contrat d’assurance emprunteur, l’assuré est tenu de répondre aux questions posées par l’assureur par le biais d’un formulaire médical. En fonction des réponses apportées, un examen médical peut lui être demandé.
Dans le cadre des travaux parlementaires, deux amendements avaient été déposés pour supprimer, sous certaines conditions, le questionnaire et les examens médicaux auxquels doivent se soumettre les emprunteurs (COM-33 et COM-37).
Il a été retenu que l’assureur ne pourra solliciter aucune information relative à l’état de santé ni aucun examen médical de l’assuré, si les deux conditions suivantes sont réunies :
- le montant du prêt souscrit est inférieur à 200 000 euros ; il est précisé que le plafond des 200 000 euros s’applique "par assuré" et sur "l’encours cumulé des contrats de crédit" ;
- la fin du remboursement du prêt doit intervenir avant les 60 ans du souscripteur. Cette condition d'âge permet d’ouvrir le dispositif à une population encore relativement jeune, pour laquelle le risque aggravé de santé est moindre.
Un décret en Conseil d’État pourra définir des conditions plus favorables pour l’assuré en termes de plafond de la quotité assurée et d’âge de l’assuré.
Cette mesure entre en vigueur le 1er juin 2022.
Suivi de l’impact de la loi
(loi du 28.2.22 : art. 11)
Le Comité consultatif du secteur financier devra remettre au Parlement, au plus tard le 1er mars 2024, un rapport mesurant les conséquences pour les assureurs et les assurés concernant :
- la résiliation du contrat d’assurance à tout moment ;
- la suppression du questionnaire de santé.
Le rapport évaluera notamment :
- l’impact de la loi sur le processus de mutualisation des risques et sur la segmentation des tarifs en fonction des profils de risque, sur l’évolution des tarifs proposés, sur le type et le niveau des garanties proposées aux emprunteurs dans les contrats d’assurance et sur leur évolution depuis six ans ainsi que sur les capacités d’accès à l’emprunt immobilier des emprunteurs selon leur profil de risque ;
- l’égalité de traitement entre les emprunteurs.