Loi Montagne II : mesures relatives au logement des travailleurs saisonniers et aux règles d’urbanisme
N° 2017-04 / À jour au 6 juillet 2017
Loi du 28.12.16 : JO du 29.12.16 / Décret du 10.5.17 : JO du 11.5.17
La loi n°2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (dite "loi Montagne II") actualise la loi n°85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.
La loi Montagne II s’appuit sur le rapport parlementaire "Un Acte II de la loi montagne pour un pacte renouvelé de la Nation avec les territoires de montagne" publié en septembre 2015 afin d’adapter la loi du 9 janvier 1985 aux enjeux actuels : la lutte contre le mal logement des travailleurs saisonniers, la réhabilitation de l’immobilier ou l’adaptation des règles d’urbanisation aux spécificités des territoires montagnards. Composée de 95 articles et de cinq titres, trois titres impactent les champs du logement et de l’urbanisme :
- Titre Ier : "Prendre en compte les spécificités des territoires de montagne et renforcer la solidarité nationale en leur faveur" : art. 1 à 27.
- Titre II : "Soutenir l’emploi et le dynamisme économique en montagne" : art. 28 à 70.
- Titre III : "Réhabiliter l’immobilier de loisir par un urbanisme adapté" : art. 71 à 83.
L’article 1er de la loi définit la montagne comme "un ensemble de territoires dont le développement équitable et durable constitue un objectif d'intérêt national en raison de leur rôle économique, social, environnemental, paysager, sanitaire et culturel" et réaffirme le principe d’adaptation des politiques publiques aux particularités de ces espaces. Ainsi, il fixe 17 objectifs aux politiques publiques dont :
- la prise en compte et l’anticipation des effets du changement climatique en soutenant l'adaptation de l'ensemble des activités économiques à ses conséquences, notamment dans les domaines agricole, forestier et touristique ;
- la promotion de la richesse du patrimoine culturel, de protéger les édifices traditionnels et de favoriser la réhabilitation du bâti existant ;
- une meilleure maîtrise de la gestion et de l'utilisation de l'espace montagnard par les populations et les collectivités de montagne.
Zones concernées par les lois Montagne I et II
En métropole, les communes ou parties de communes situées dans une zone de montagne et les zones contiguës forment avec elle une même entité géographique, économique et sociale : elles constituent un massif. Elles possèdent des caractéristiques similaires qui limitent l’utilisation des terres tout en augmentant les coûts des travaux résultant de :
- "l'existence, en raison de l'altitude, de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation sensiblement raccourcie ;
- la présence, à une altitude moindre, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes telles que la mécanisation ne soit pas possible ou nécessite l'utilisation d'un matériel particulier très onéreux ;
- la combinaison de ces deux facteurs lorsque l'importance du handicap, résultant de chacun d'eux pris séparément, est moins accentuée. Dans ce cas, le handicap résultant de cette combinaison doit être équivalent à celui qui découle des deux autres situations précédemment mentionnées"1.
Depuis 2004, les zones de montagne sont délimitées par un arrêté interministériel et rattachées par décret à l'un des massifs suivant : Alpes, Corse, Massif central, Massif jurassien, Pyrénées ou Massif vosgien (voir les zones de montagne sur le Géoportail ou l’Observatoire des Territoires).
Lors de la création d'une commune nouvelle, le classement en zone de montagne est maintenu pour les parties du territoire correspondant aux territoires des anciennes communes classées (loi du 28.12.16 : art. 8).
Spécificité de la Collectivité territoriale de Corse : ayant un caractère d'île-montagne, la collectivité doit veiller, conjointement avec l'État et en concertation avec les autres collectivités de l'île, à l'adaptation des dispositions de portée générale aux spécificités de ce territoire (loi n° 2016-1888 du 28.12.16 : art. 5).
1 - Loi n°85-30 du 9.1.85 : articles 1 et 3
Le logement des travailleurs saisonniers
Selon une étude de France Stratégie publiée en juillet 2016, on estime à 500000 le nombre de travailleurs saisonniers. Le logement est une préoccupation majeure pour ces travailleurs : rare et cher en période d’afflux touristique, il conduit certains salariés à recourir à des solutions de logement peu satisfaisantes voire dangereuses (utilisation du véhicule en lieu et place d’un logement, camping parfois sauvage, colocations dans de petits espaces).
Définition de l’emploi saisonnier (loi n°2016-1088 du 8.8.16 : art. 86 / Code du travail : L.1242-2)
La définition de l’emploi saisonnier est précisée à l’article du Code du travail qui liste les cas de recours au contrat à durée indéterminée : il s’agit d’un emploi dont "les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu […]".
Pour ce type d’emploi, la loi indique qu’"il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois".
Obligation pour les communes ou EPCI "touristiques" de conclure avec l’État une convention pour le logement des travailleurs saisonniers (loi du 28.12.16 : art. 47, 1° / CCH : L.301-4-1 et L.301-4-2)
Les communes touristiques, au sens du Code du tourisme, ont l’obligation de conclure avec l'État une "convention pour le logement des travailleurs saisonniers" au plus tard le 28 décembre 2018. Cette obligation s'applique également à tout établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dénommé "touristique" (sur tout ou partie de son territoire).
Elle est élaborée en association avec l'établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune, le département et Action Logement Services. Peuvent également être associés : la Caisse des dépôts et consignations, les bailleurs sociaux et les organismes agréés d'intermédiation et de gestion locative sociale intervenant sur le territoire de la commune.
Commune et EPCI touristiques (Code du tourisme : L.133-11 et L.134-3 / R.133-32 et suivants)
Peuvent être dénommées "touristiques" les communes qui mettent en œuvre "une politique du tourisme et qui offrent des capacités d’hébergement pour l’accueil d’une population non résidente" et :
- disposent d’un office de tourisme classé compétent sur leur territoire ;
- organisent, en périodes touristiques, des animations compatibles avec le statut des sites ou des espaces naturels protégés, notamment dans le domaine culturel, artistique, gastronomique ou sportif ;
- disposent d’une capacité d’hébergement d’une population non permanente dont le rapport à la population municipale est supérieur ou égal à un pourcentage variant de 4,5 à 15 % (variation en fonction du nombre d’habitants – cf. l’article R.133-33).
La dénomination est accordée, après délibération du conseil municipal ou communautaire, par arrêté préfectoral (ou arrêté du président du conseil exécutif de Corse) pour cinq ans. Tout EPCI doté d’un office classé de tourisme et auquel a été transférée la compétence d’instaurer la taxe de séjour peut également bénéficier, dans les mêmes conditions, de cette dénomination pour une, plusieurs ou l’ensemble de ses communes membres. Toutes les communes doivent respecter les conditions requises pour obtenir la dénomination.
Cette dénomination permet notamment de demander une autorisation préfectorale de déroger au repos dominical.
L’étude d’impact de la loi du 28 décembre 2016 précise qu’il existe actuellement 1 260 communes touristiques.
Lorsqu’elles "mettent en œuvre une politique active d'accueil, d'information et de promotion touristiques tendant, d'une part, à assurer la fréquentation pluri saisonnière de leurs territoires, d'autre part, à mettre en valeur leurs ressources naturelles, patrimoniales ou celles qu'elles mobilisent en matière de créations et d'animations culturelles et d'activités physiques et sportives" ces communes peuvent obtenir le label de "station classée de tourisme" (Code du tourisme : L.133-13 et suivants). Le label peut également être sollicité par un EPCI pour une, plusieurs ou l’ensemble de ses communes membres.
Elles doivent répondre à certaines exigences (Code du tourisme : R.133-37) :
- offrir des hébergements touristiques de nature et de catégories variées ;
- offrir des créations et animations culturelles, faciliter les activités physique et sportives ;
- mettre en œuvre des savoir-faire professionnels au caractère traditionnel, historique, gastronomique ou régional ;
- offrir des commerces de proximité et des structures de soins adaptées ;
- disposer d’un plan local d’urbanisme, d’un plan de zonage d’assainissement ;
- organiser l’information touristique en plusieurs langues.
La décision de classement est prononcée, après délibération du conseil municipal ou communautaire, par décret (en Corse : par délibération de l'Assemblée de Corse après consultation du conseil départemental d'hygiène et du conseil des sites et après enquête publique) pour une durée de 12 ans.
Ainsi, ces stations de tourisme bénéficient du surclassement démographique, de la majoration de l’indemnité des élus et, sous certaines conditions, de la perception d'une taxe additionnelle aux droits de mutation.
Contenu de la convention
- Un diagnostic des besoins en logement des travailleurs saisonniers sur le territoire qu'elle couvre.
- Les objectifs fixés pour répondre à ces besoins.
- Les moyens d'action à mettre en œuvre pour les atteindre dans un délai de trois ans à compter de sa signature.
Elle prend en compte les objectifs en faveur du logement des travailleurs saisonniers contenus dans le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) et dans le programme local de l'habitat (PLH) lorsque le territoire couvert par la convention en est doté.
Quand elle est établie à l'échelle intercommunale, cette convention comporte une déclinaison des besoins, des objectifs et des moyens d'action par commune.
Bilan
À l’issue de la période triennale, la commune ou l’EPCI réalise un bilan de l’application de la convention et le transmet au Préfet. Dans un délai de trois mois à compter de la transmission de ce bilan, la commune ou l’EPCI étudie, en lien avec le Préfet et les personnes associées à la convention, l'opportunité d'une adaptation du diagnostic des besoins, des objectifs et des moyens d'actions et la possibilité de renouveler la convention pour une nouvelle période de trois ans.
Sanctions
- En l’absence de conclusion de la convention : le Préfet peut, par arrêté, suspendre, jusqu'à la signature de la convention, la reconnaissance de commune ou de groupement touristique. La même sanction s'applique en cas de non-renouvellement de la convention.
- Lorsque le bilan conclut que les objectifs fixés dans la convention n'ont pas été atteints et si le Préfet estime qu'aucune difficulté particulière ne le justifie : ce dernier peut suspendre par arrêté, pour une durée maximale de trois ans, la reconnaissance de commune ou de groupement touristique.
Avant de prononcer ces sanctions, le Préfet informe la commune ou l'EPCI, qui peut présenter ses observations.
Sous-location des logements vacants au profit des travailleurs saisonniers (loi du 28.12.16 : art. 47, 2° / CCH : L.444-10 à L.444-14)
La loi autorise les bailleurs sociaux à prendre à bail des logements vacants meublés pour les donner en sous-location à des travailleurs saisonniers.
Le logement pris à bail doit appartenir à une ou plusieurs personnes physiques ou à une société civile immobilière constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus.
Le logement est attribué au sous-locataire conformément aux conditions de ressources fixées pour l’attribution des logements sociaux. Par ailleurs, le loyer fixé dans le contrat de sous-location ne peut excéder un plafond fixé par l'autorité administrative selon les zones géographiques.
Régime de la sous-location
La loi liste les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 qui s’appliquent au contrat de sous-location. Il s’agit des règles relatives :
- à la lutte contre les discriminations (loi du 6.7.89 : art. 1) ;
- à l’état des lieux (loi du 6.7.89 : art. 3-2) ;
- au dossier de diagnostic technique (loi du 6.7.89 : art. 3-3) ;
- aux clauses réputées non écrites (loi du 6.7.89 : art. 4 à l’exception du l)) ;
- aux obligations du bailleur (loi du 6.7.89 : art. 6) ;
- aux obligations du locataire (loi du 6.7.89 : art. 7) ;
- à la prescription (loi du 6.7.89 : art. 7-1) ;
- à la colocation (loi du 6.7.89 : art. 8-1)
- à la non décence (loi du 6.7.89 : art. 20-1) ;
- à la quittance (loi du 6.7.89 : art. 21) ;
- au dépôt de garantie (loi du 6.7.89 : art. 22) ;
- au cautionnement (loi du 6.7.89 : art. 22-1) ;
- aux pièces justificatives demandées au candidat locataire (loi du 6.7.89 : art. 22-2)
- aux charges récupérables (loi du 6.7.89 : art. 23) ;
- au commandement de payer (loi du 6.7.89 : art. 24) ;
- aux équipements constitutifs d’un logement meublé (loi du 6.7.89 : art. 25-4) ;
- à l’inventaire et l’état détaillé du mobilier (loi du 6.7.89 : art. 25-5) ;
- au montant du dépôt de garantie en location meublée (loi du 6.7.89 : art. 25-6) ;
- aux modalités de récupération des charges en location meublée (loi du 6.7.89 : art. 25-10)
- à la compétence de la commission départementale de conciliation (loi du 6.7.89 : art. 25-11).
La durée du contrat de sous-location ne peut excéder six mois et les occupants ne bénéficient pas du droit au maintien dans les lieux.
Concernant la fin du contrat :
- à l’initiative de l’occupant : il peut être mis fin au contrat à tout moment sous réserve de respecter un délai de préavis d'un mois ;
- à l’initiative du bailleur social : le congé ne peut être donné avant le terme du contrat de sous-location, sauf pour un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par les occupants de l'une des obligations leur incombant. Le congé doit mentionner le motif allégué. Le délai de préavis applicable au congé est d'un mois. Il est notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Le délai de préavis court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre.
Pendant le délai de préavis, le sous-locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur.
Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire, en accord avec le bailleur.
À l'expiration du délai de préavis, le sous-locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.
Informations obligatoires à destination des saisonniers dans les maisons de services au public (art. 46 / loi du 12 avril 2000 : art. 27)
Dans les zones de montagne, les maisons de services au public ayant pour objet d’améliorer l’accessibilité et la qualité des services doivent, dorénavant, répondre aux demandes des travailleurs saisonniers et pluriactifs, par exemple en intégrant des maisons des saisonniers. Cela peut concerner des questions liées au logement des travailleurs saisonniers.
Habilitation des agents territoriaux pour l’exercice de certaines missions des organismes d’intermédiation locative et de gestion locative sociale (loi du 28.12.16 : art. 48 / loi du 2.1.70 : art. 4-1)
La loi prévoit qu’en vue de loger les travailleurs saisonniers, les organismes d'intermédiation locative et de gestion locative sociale peuvent habiliter, pour certaines missions (précisées par décret en Conseil d’État), des agents d’une collectivité territoriale. L’objectif est de permettre à l’agent territorial de procéder, sous le contrôle de l'agence immobilière à vocation sociale, aux opérations les plus courantes et les plus simples.
Possibilité pour un bailleur social de vendre des logements foyer à une société de droit privé (art. 50 / CCH : L.443-15-6)
L’article 50 autorise les organismes HLM à vendre des logements foyers à des sociétés de droit privé en respectant plusieurs conditions. Ainsi, les logements doivent :
- être situés dans une commune de montagne classée station de tourisme, non soumise à la loi SRU,
- avoir plus de 30 ans,
- être inoccupés depuis plus de deux ans.
Le conseil municipal de la commune où se déroule la vente devra avoir délivré un avis conforme dès lors que l’offre de vente à d’autres organismes HLM n’a pas abouti.
Les règles d’urbanisation et de construction
Servitudes étendues afin de pratiquer des loisirs estivaux (art. 68 / Code du tourisme : L.342-18, L.342-20 et nouvel art. L.342-26-1)
Il existe des servitudes administratives intitulées "loi Montagne" permettant l'aménagement et l'équipement des pistes de ski alpin et des sites nordiques destinés à accueillir des loisirs de neige tels que les supports des remontées mécaniques (Code du tourisme : L.342-20).
Ainsi, l’article 68 de la loi Montagne II permet l’institution d’une servitude nécessaire pour "assurer les accès aux sites d'alpinisme, d'escalade en zone de montagne et de sports de nature au sens de l'article L. 311-1 du Code du sport, ainsi que les accès aux refuges de montagne". L’objectif est de faciliter le développement du tourisme dit des "quatre saisons".
Les servitudes ne peuvent être établies qu'à l'intérieur des zones délimitées dans les plans locaux d'urbanisme (Code du tourisme : L.342-18).
Le fait de mettre en péril l'exploitation agricole ou sylvicole d'un terrain grevé constitue la seule restriction à la mise en œuvre de ces servitudes. Le propriétaire peut, donc, dès la publication de l'acte créant la servitude, mettre en demeure la mairie de procéder à l'acquisition d'un terrain bâti ou non (CU : L. 230-1 et suivants).
Adaptation relatives aux règles d’urbanisme dans les territoires de montagne (art. 3, 73 et 74 / loi du 9.2.85 : art. 8 / Code de l’urbanisme : L.122-5, L.122-6 et nouvel art. L.122-5-1)
L’article 3 de la présente loi réaffirme la possibilité pour les collectivités territoriales d’adapter les actions publiques, "éventuellement après expérimentation, (…) à la spécificité de la montagne ou à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif". Il modifie l’article 8 de la loi du 9 janvier 1985. Parmi les domaines concernés, les règles liées à la construction et à l'urbanisme peuvent faire l’objet d’expérimentations.
La montagne étant un espace naturel fragile, des règles spécifiques ont été établies tel que le principe du développement de l’urbanisation en continuité dite la règle « anti-mitage » afin de préserver les activités agricoles, pastorales et forestières. Ainsi, l’urbanisation doit être réalisée dans le prolongement direct des zones existantes : les bourgs, les villages, les hameaux ou les groupes de constructions traditionnelles (CU : L.122-5). Néanmoins, il existe des dérogations à ce principe notamment lorsque les travaux concernent :
- l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes ;
- la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées.
L’article 73 ajoute une nouvelle catégorie de travaux : la construction d'annexes, de taille limitée, à des bâtiments existants qui échappe à cette règle (par exemple, les garages ou les abris de jardin).
De même, l’article 74 apporte une précision quant au principe de l’urbanisation en continuité : il s’agit de prendre en compte les "caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux" (CU : nouvel art. L.122-5-1). Ces critères sont nécessaires pour identifier des hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels l'urbanisation peut être étendue. Les hameaux et groupes de construction concernés sont délimités par le PLU ou la carte communale si la commune en est dotée (CU : L. 122-6).
Cas spécifique des départements d’outre-mer :
Les dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-25 du CU ne s'appliquent pas à la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion (loi n° 85-30 du 9.1.85 : art. 98).
Simplification des autorisations de travaux sur un chalet d’alpage (art. 76 / Code de l’urbanisme : L.122-11)
Un chalet d’alpage ou un bâtiment d’estive se définit comme une construction isolée utilisée traditionnellement de façon saisonnière. Tout en veillant au respect du patrimoine existant, ce type de bâtiment peut faire l’objet d’une restauration ou d’une extension limitée même s’il est situé en zone agricole ou naturelle2. Les travaux, cependant, doivent être autorisés par le préfet, après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS). Ces modifications du bâti existant peuvent être soumises à l’octroi d’une servitude administrative par la commune (ou l’EPCI si la compétence des autorisations d’urbanisme lui a été délivrée) pour interdire l’utilisation du bâtiment en période hivernale ou limiter son usage lorsque celui-ci n’est pas desservi par les voies et réseaux. La commune est, donc, libérée de l’obligation d’assurer la desserte du bâtiment par les réseaux et équipements publics.
Pour clarifier le régime des autorisations lors de travaux sur le bâti montagnard, l’article 76 précise que l’institution de cette servitude devient obligatoire dès lors que ces bâtiments "ne sont pas desservis par les voies et réseaux ou dès lors qu’ils sont desservis par des voies qui ne sont pas utilisables en période hivernale" (CU : L.122-11). Son institution sera une condition de délivrance de l’autorisation préfectorale et sera contrôlée en amont du permis de construire. En outre, l’autorisation préfectorale ne pourra être qu’expresse.
Champ de l’action en démolition : de nouvelles zones sensibles intégrées (art. 78 / Code de l’urbanisme : L.480-13 et nouvel art. L.122-26, 2°)
Un propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à démolir son bien à la suite de la méconnaissance des règles d'urbanisme sous réserve que le permis ait été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. En outre, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a ajouté une seconde condition en restreignant le champ d’application de l'action en démolition aux projets situés dans une zone protégée (par exemple, les sites Natura 2000).
L’article 78 ajoute à cette liste, mentionnée à l’article L.480-13, les "espaces, paysages et milieux les plus remarquables du patrimoine naturel et culturel montagnard" (CU : nouvel art. L.122-26, disposition 2°). Cela correspond notamment aux gorges, aux lacs ou aux lieux de pratique de l'alpinisme.
Réforme du régime des unités touristiques nouvelles (art. 71 / décret du 10.5.17 / Code de l’urbanisme : L.122-15 à L.122-25, L.151-4 et L.151-7, R.122-4 à R.122-18)
Afin de permettre la création de nouvelles constructions en dehors de l’urbanisation existante, le législateur a créé la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN) en 19773 (CU : L.122-15). Elle vise les opérations de développement touristique menées en zone de montagne "et contribuant aux performances socio-économiques" (CU : art. L.122-16 modifié au 1.1.17) notamment lors de la création ou l’extension des surfaces destinées à l'hébergement touristique ou d’un refuge de montagne (Code du tourisme : L.326-1). Toutefois, le régime des UTN ne s’applique pas aux extensions de taille limitée.
L’article 71 de la présente loi réforme le régime des UTN : il s’agit de poursuivre la décentralisation de cette procédure tout renforçant le rôle de la planification locale dans les zones de montagne. En outre, les UTN ne seront plus limitées aux opérations de constructions ou d'aménagement (ancien art. L. 122-16 du Code précité) : cela permettra à l’autorité compétente en matière de document de planification de définir les opérations susceptibles de constituer des UTN (CU : art. L122-17 et L.122-18). De même, les projets d’UTN prendront en compte "les besoins de logements destinés aux salariés de la station, notamment les travailleurs saisonniers et peuvent, le cas échéant, en imposer la réalisation" (CU : L.122-23). Le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du SCoT ou les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) du PLU(i) pourront, donc, préciser la localisation, la nature et la capacité globale d’accueil et d’équipement pour les loger.
Cet article distingue les projets de taille importante nommés UTN structurantes (anciennes "UTN de massif"), des projets ayant une ampleur limitée dits UTN locales (anciennes "UTN départementales") (CU : art. L.122-17 et L.122-18). La création ou l’extension d’UTN structurantes doit être prévue par le SCoT (CU : L.122-20). Les PLU(i) devront prévoir la réalisation ou l’extension des UTN locales (CU : L.122-21).
L’autorisation de création d’une UTN est valable pour une durée de cinq ans. Si elle n’est pas mise en œuvre, elle devient caduque (CU : L.122-24).
Le décret du 10 mai 2017 modifie certains des seuils existants, précise les conditions de mise en œuvre de la compétence que la loi donne aux collectivités pour déterminer elles-mêmes de nouvelles catégories d'UTN.
Sont concernés par la procédure UTN, les projets d’hébergements suivants :
Opérations | UTN structurantes (CU : R.122-8) | UTN locales (CU : R.122-9) |
---|---|---|
Opérations de construction ou d’extension d’hébergements ou d’équipements touristiques | Surface de plancher supérieure à 12 000 mètres carrés4 | Surface de plancher supérieure à 500 m² |
Création ou extension d’un refuge de montagne | Non | Création de refuge et l’extension pour une surface de plancher totale supérieure à 200 m² |
Ce texte fixe également la procédure relative aux territoires non couverts par un SCoT ou un PLU(i). Ainsi, les UTN structurantes ou locales feront l’objet d’une autorisation UTN octroyée par le préfet coordinateur de massif ou par le préfet de département (CU : art. R.122-10 à R.122-18) : dans ce cas de figure, l’autorisation demeure délivrée par les services déconcentrés.
Les dispositions prévues par le décret s’appliqueront aux demandes d’autorisation UTN à compter du 1er août 2017. Ainsi, les SCoT et les PLU(i) approuvés ou arrêtés avant cette date demeureront soumis à l’ancien régime jusqu’à leur prochaine révision.
2 - Loi n° 94-112 du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction.
3 - La procédure des UTN a été intégrée dans la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (art. 74 et 75).
4 - Cela exclut les logements à destination des personnels saisonniers ou permanents des équipements et hébergements touristiques.
La réhabilitation du parc immobilier de loisir pour favoriser le développement touristique
Renforcer l’intégration de la politique de réhabilitation de l’immobilier dans les SCoT (art. 79 / Code de l’urbanisme : L.141-12)
Afin de lutter contre le phénomène des « lits froids » induit par le vieillissement du parc immobilier de loisir construit entre 1960 et 1980, l’article 79 améliore la prise en compte des besoins de réhabilitation dans les documents d’urbanisme. Ainsi, dans les espaces montagnards, le document d'orientation et d'objectifs du SCoT définissant les objectifs de la politique de l'habitat devra préciser les objectifs de la politique de réhabilitation de l'immobilier de loisir (CU : L.141-12, disposition 3°) en lien avec les objectifs de la politique locale d’aménagement. Auparavant, la définition de ces objectifs était facultative.
Assouplissements liés aux opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir (art. 80 et 81 / Code de l’urbanisme : L.318-5 et L.318-6 / Code du tourisme : L.322-1)
Les opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir (ORIL), instaurée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain6, est une procédure permettant aux collectivités d’octroyer aux propriétaires des aides financières. Elle vise à encourager les propriétaires (ou les professionnels) à réaliser des travaux (CU : L.318-5).
Les ORIL sont créées par délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'EPCI compétent.
La délibération créant une opération de réhabilitation de l'immobilier de loisir doit préciser :
- le périmètre de l'opération ;
- les conditions de financement de l'opération incluant, le cas échéant, les aides susceptibles d'être accordées par les collectivités territoriales ou leurs groupements ;
- les bénéficiaires de ces aides et les engagements retenus (la nature des travaux et les conditions de mise en location) ;
- l'objectif et le délai maximal de réhabilitation de logements ;
- les modalités de remboursement des aides en cas de non-respect des engagements souscrits ;
- les actions d'accompagnement et d'amélioration du cadre de vie prévues.
L’article 80 ajoute l’objectif relatif à l’amélioration du « niveau d'occupation du parc immobilier » lors de la mise en place des ORIL en modifiant l’article L.318-5 du Code précité. De même, les potentiels bénéficiaires des aides sont élargis en ajoutant « les personnes physiques ou morales qui s'engagent à acquérir des lots de copropriétés et à réaliser des travaux de restructuration et de réhabilitation dans le but de réunir des lots contigus, dès lors qu'ils respectent les obligations d'occupation et de location des logements définies par la délibération ». Il s’agit d’assouplir le dispositif pour encourager les propriétaires à réhabiliter leur bien et de permettre à la collectivité territoriale d’accorder l’aide avec les conditions qu’elle souhaite (par exemple, en fixant un nombre de semaines d’occupation par an).
Pour mémoire, les bénéficiaires des aides peuvent être :
- les propriétaires, dès lors qu'ils respectent les obligations d'occupation et de location de logements définies par la délibération ;
- les personnes physiques ou morales ayant la charge des travaux de réhabilitation ou de la mise sur le marché locatif durable ;
- les personnes physiques ou morales qui s'engagent à acquérir des lots de copropriétés et à réaliser des travaux de restructuration et de réhabilitation dans le but de réunir des lots contigus, dès lors qu'ils respectent les obligations d'occupation et de location des logements définies par la délibération ;
- le syndicat des copropriétaires ayant la charge des travaux relatifs aux parties communes.
Enfin, l’article 81 vise à faciliter les possibilités de restructuration d’appartements en agrandissant la surface des hébergements touristiques : l’article L.318-6 du CU est rétabli afin de fixer l’obligation d’information en cas de vente d’un lot de copropriété situé le périmètre dans une ORIL. Désormais, le propriétaire vendeur notifie au syndic de la copropriété, avant toute publicité, son intention de vendre, en précisant le prix souhaité et les conditions de la vente projetée. Cette indication est transmise sous dix jours ouvrés par le syndic, à ses frais, à chaque copropriétaire. Toutefois, cette information ne constitue une offre de vente.
Suppression du classement des villages résidentiels de tourisme (art. 82 / Code du tourisme : art. L.323-1 abrogé)
Afin de simplifier les mécanismes de classement, l’article 82 a supprimé la catégorie des villages résidentiels de tourisme créé en 1999 et liée à un dispositif de défiscalisation.
Toutefois, cette abrogation n’entraîne pas la remise en cause de la réduction d'impôts qui était induite par ce classement (CGI : art. 199 decies F).
5 - Les divers leviers peuvent être la mise en place d’opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisir (ORIL) ou la création d’UTN.
6 - Article 186 de la loi SRU.
Autres mesures
L’article 77 participe au développement des documents de planification tels que les SCoT dans les zones de montagne. Ainsi, ces territoires peuvent se doter de SCoT ruraux en s’affranchissant des seuils de population et de densité démographique (CU : L.142-4). De plus, les expérimentations en matière de déploiement de stratégies inter-SCOT sont possibles.
L’article 95 confère à la société Tunnel Euralpin Lyon Turin des droits en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique afin d’acquérir les terrains nécessaires à la réalisation de la ligne ferroviaire Lyon-Turin et peut également acquérir les terrains par voie amiable. Elle bénéficie de la même prérogative que les concessionnaires d’infrastructures de transport en matière d’expropriation et de maîtrise foncière. Par ailleurs, un arrêté pris par le préfet de la Savoie récapitule au moins une fois par an l'ensemble des terrains remis à la société Tunnel Euralpin Lyon Turin et la date de cette remise.