Protéger les logements contre l’occupation illicite
N° 2023-12 / À jour au 30 mai 2024
Loi n° 2023-668 du 27.7.23 / JO du 28.7.23 / circulaire JUSD2331904C du 23.11.23 / circulaire NOR : TREL2327219C du 4.5.24
La proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite a été déposée à l’Assemblée nationale le 18 octobre 2022. Elle a pour objectifs de clarifier la définition juridique du squat et de mieux sanctionner cette infraction mais également d’accélérer les procédures dans le cadre des litiges liés à des impayés de loyer.
Elle a été adoptée en première lecture par l’Assemblée le 2 décembre 2022 (cf. Habitat Actualité n° 189), puis par le Sénat le 2 février 2023 (cf. Habitat Actualité n° 190).
Le 29 mars 2023, les députés ont examiné en seconde lecture la proposition de loi. Le vote solennel sur l’intégralité du texte est intervenu le 4 avril 2023 (cf. Habitat Actualité n° 191).
Le 14 juin 2023, le Sénat a adopté le texte, en seconde lecture, sans modification.
La proposition de loi s’articule autour de trois chapitres :
- chapitre Ier "Mieux réprimer le squat" ;
- chapitre II "Sécuriser les rapports locatifs" ;
- chapitre III "Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté".
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin et a rendu sa décision le 26 juillet 2023 (C. Constit. : 26.7.23, n°2023-853 DC ).
Il a déclaré contraire à la Constitution la mesure qui visait à libérer le propriétaire d’un bien immobilier occupé illicitement de son obligation d’entretien et à l’exonérer de responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien de ce bien (art. 7 de la loi modifiant l’article 1244 du Code civil).
Pour le Conseil constitutionnel, bien que l’objectif poursuivi par cette mesure soit un objectif d’intérêt général, elle portait néanmoins une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine.
Pour ce dernier, d’une part, l’exonération de responsabilité était accordée au propriétaire du bien pour tout dommage survenu au cours de la période d’occupation illicite, sans qu’il soit exigé que la cause du dommage trouve son origine dans un défaut d’entretien imputable à l’occupant sans droit ni titre et sans que le propriétaire n’ait à démontrer que le comportement de l’occupant avait fait obstacle à la réalisation des travaux de réparation nécessaires.
D’autre part, le propriétaire bénéficiait d’une exonération de responsabilité non seulement à l’égard de l’occupant, mais également à l’égard des tiers. Ces derniers étaient donc contraints d’exercer une action en réparation de leur préjudice à l’encontre du seul occupant sans droit ni titre, dont l’identité n’est pas nécessairement établie et qui ne présente pas les mêmes garanties que le propriétaire, notamment en matière d’assurance.
Par ailleurs, le Conseil a émis une réserve d’interprétation concernant une précision du champ d’application du délit de violation de domicile (cf. § Délit de violation de domicile).
La loi du 27 juillet 2023 a été publiée au Journal officiel le 28 juillet 2023. Ses dispositions sont entrées en vigueur le 29 juillet 2023. (sous réserve des mesures dont l’application nécessite des textes réglementaires d’application, et dont l’entrée en vigueur est donc différée, cf. Code civil : art.2).
Une circulaire du 23 novembre 2023 précise le volet pénal de la loi, c’est-à-dire son chapitre 1er "Mieux réprimer le squat" (circulaire JUSD2331904C du 23.11.23).
Une circulaire du 2 mai 2024 précise les modalités de mise en œuvre de la procédure administrative d’évacuation forcée en cas de squat, réformée par l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le Droit au logement opposable (DALO). Elle organise également les modalités de suivi de l’application de la loi du 27 juillet 2023 (circulaire NOR : TREL2327219C du 4.5.24).
Mieux réprimer le squat
Pour mémoire, le Code pénal prévoit que l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte est un délit, passible de sanctions pénales.
S’il est victime d’une violation de domicile, le propriétaire ou le locataire du logement peut engager une procédure administrative afin d’obtenir l’expulsion des occupants (cf. Procédure administrative d’évacuation des squats).
Afin de renforcer la protection des propriétaires ou des occupants face à l’occupation illicite de leurs locaux, de nouveaux délits sont créés et les dispositifs pénaux existants sont renforcés.
Nouveaux délits pénaux
Délits d’occupation frauduleuse
(loi : art. 1er / Code pénal : art. 315‑1 et 315‑2 [nouveaux])
Un nouveau chapitre intitulé "De l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel" est créé dans le Code pénal ; il introduit deux nouveaux délits.
Délit d’occupation frauduleuse par voies de fait ou contrainte
(loi : art. 1er / Code pénal : art. 315-1 [nouveau] / circulaire JUSD2331904C du 23.11.23)
Le nouveau délit d’occupation frauduleuse est défini comme l’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet. Il concerne les personnes n’ayant jamais été titulaires d’un droit sur ce local et entrées de façon illicite dans celui-ci, autrement dit par un "squatteur".
Les sanctions prévues pour ce délit sont :
- deux ans d’emprisonnement ;
- 30.000 euros d’amende.
Les mêmes peines sont prévues en cas de maintien dans le local à la suite de cette introduction, hors les cas où la loi le permet.
Local à usage d’habitation (circulaire du 23.11.23) : cette notion doit être distinguée de celle de "domicile" mentionnée à l’article 226-4 du Code pénal. Elle recouvre l’ensemble des locaux dont la finalité est l’habitation, qu’ils constituent ou non un domicile. La notion de local à usage d’habitation est purement objective et peut s’appliquer, par exemple, à un logement vacant, qui ne constitue pas un domicile.
Local à usage commercial (circulaire du 23.11.23) : cette notion doit être comprise au sens de celle qui figure dans le Code de commerce, notamment dans les dispositions relatives au fonds de commerce (Code de commerce : L.144-10, L.144-12 et L.145-6).
Local à usage agricole (circulaire du 23.11.23) : cette notion correspond à celle connue du Code rural et de la pêche maritime pour encadrer le statut du fermage et du métayage (Code rural et de la pêche maritime : L.411-1).
Local à usage professionnel (circulaire du 23.11.23) : cette notion résulte de diverses réglementations (Code civil et Code de commerce) et permet d’inclure les locaux affectés à l’exercice d’une activité professionnelle autre que commerciale, en particulier libérale (exemple : cabinet d’infirmiers).
Titre d’occupation (circulaire du 23.11.23) : le nouveau délit s’applique uniquement aux cas où la personne en cause n’est pas titulaire d’un titre de propriété, d’un contrat de bail ou d’une convention d’occupation avec le propriétaire ou avec la personne ayant des droits sur le logement, ou lorsqu’elle n’a pas obtenu leur consentement pour entrer dans les lieux.
Articulation du délit d’occupation frauduleuse par voies de fait ou contrainte et du délit de violation de domicile (circulaire du 23.11.23) : le champ d’application du nouveau délit d’occupation frauduleuse par voies de fait est en partie identique à celui de la violation de domicile (Code pénal : art. 226-4), dès lors qu’un local à usage d’habitation peut également constituer un domicile, lorsqu’une personne a le droit de se dire chez elle.
En revanche, les objets de ces deux infractions sont distincts (cf. C. Constit. : 26.7.23, n°2023-853 DC) :
- le délit de violation de domicile (Code pénal : art. 226-4, figurant dans le livre II de ce code "Des crimes et délits contre les personnes") a pour objet de punir une atteinte à la personnalité, plus exactement une atteinte à la vie privée, quelle que soit la qualité de la victime, qu’il s’agisse du propriétaire occupant, du locataire ou encore du titulaire d’un droit de jouissance à titre gratuit ;
- le délit d’occupation frauduleuse (Code pénal : art. 315-1 l, figurant dans le livre IIII "Des crimes et délits contre les biens") a pour objet de réprimer une atteinte aux biens.
Ainsi, un propriétaire non occupant ne peut se prétendre victime d’une violation de domicile, alors qu’il peut en revanche être victime de l’occupation frauduleuse des locaux qui lui appartiennent.
Dans le cas où la victime serait un propriétaire occupant, les principes généraux du droit pénal commandent de retenir la qualification la plus sévèrement punie, en l’occurrence la violation de domicile, plutôt que l’occupation frauduleuse.
Dans le cas où serait investi un local d’habitation constituant le domicile d’une personne autre que le propriétaire du bien (exemple : le locataire), les deux infractions pourraient être retenues concomitamment.
Ce concours d’infractions pourrait ainsi permettre à toutes les victimes de se constituer partie civile et obtenir réparation devant les juridictions répressives (le locataire pour le délit de violation de domicile et le propriétaire pour le délit d’occupation frauduleuse). Les règles applicables en cas de concours d’infractions feront alors obstacle à un cumul de peines.
Délit d’occupation frauduleuse par un locataire défaillant
(loi : art. 1er / Code pénal : art. 315-2 [nouveau] / circulaire JUSD2331904C du 23.11.23)
Désormais, un locataire défaillant qui se maintiendrait dans un local à usage d’habitation après une décision d’expulsion passée en force de chose jugée commet un délit d’occupation frauduleuse. La sanction prévue pour ce délit est de 7.500 euros d’amende.
La circulaire du 23 novembre 2023 précise que ce nouveau délit concerne le locataire défaillant qui refuse de quitter les lieux malgré une décision de justice ayant donné lieu à l’engagement d’une procédure d’expulsion. Ainsi, il n’est pas applicable aux occupants entrés dans les lieux de façon illicite, lesquels relèvent selon les cas du champ du nouvel article 315-1 du Code pénal ou du délit de violation de domicile (Code pénal : art. 226-4).
Certaines situations sont exclues du champ d’application de cette infraction. C’est ainsi le cas lorsque :
- l’occupant bénéficie de la trêve hivernale (CPCE : L.412-6) ;
- le juge est saisi pour l’obtention d’un délai de grâce (CPCE : L.412-3), jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant ;
- le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public.
Délit d’incitation au squat
(loi : art. 4 / Code pénal : art. 226-4-2-1 [nouveau] / circulaire JUSD2331904C du 23.11.23)
Afin de lutter contre la multiplication des vidéos, guides, brochures ou modes d’emploi (souvent dématérialisés) visant à diffuser des conseils et recommandations pour faciliter le squat, la loi introduit un nouveau délit d’incitation au squat (Code pénal : art. 226-4-2-1 [nouveau]). Est qualifiée d’incitation au squat la propagande ou la publicité (quel qu’en soit le mode) en faveur de méthodes visant à faciliter ou inciter à la commission des délits suivants :
- violation de domicile (Code pénal : art. 226-4) ;
- occupation frauduleuse de certains locaux (Code pénal : art. 315-1).
Ce nouveau délit est sanctionné d’une amende de 3.750 euros.
Ce délit réprime la diffusion de toute information faisant la promotion d’un procédé permettant de commettre ces infractions, en incitant ou en facilitant la commission de ces faits (par exemple : la délivrance d’informations pour forcer une serrure ou de conseils, afin de faciliter l’installation ou la pérennisation de squats).
Lorsque l’infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les régimes spécifiques des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. Selon que l’individu ait été l’éditeur, l’auteur ou l’imprimeur, les responsabilités de chacun d’entre eux différeront.
La circulaire du 23 novembre 2023 précise que, comme pour toutes les infractions réprimant des abus de la liberté d’expression et de communication, les dispositions particulières de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse , ainsi que celles de la loi de juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (loi n° 82-652 du 29.7.82) sont applicables, en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.
Éclairage du Conseil constitutionnel : la conformité à la Constitution de ce nouveau délit était discutée notamment, au regard de l’imprécision des termes "propagandes" et "publicité" employés pour définir cette infraction, qui permettrait de réprimer les messages diffusés par les associations agissant à des fins humanitaires.
Pour le Conseil constitutionnel, le législateur a cherché à protéger le principe de l’inviolabilité du domicile, le droit au respect de la vie privée et le droit de propriété. Les dispositions se limitent à réprimer certains comportements précisément définis et ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et de communication (C. Constit. : 26.7.23, n° 2023-853 DC).
Ce nouveau délit n’a ainsi ni pour objet ni pour effet, en particulier lorsque cette diffusion est effectuée par une association apportant, conformément à son objet, aide et assistance aux personnes en situation de précarité, d’incriminer la diffusion d’un message ou d’une information qui ne ferait pas directement ou indirectement la promotion de telles méthodes.
Renforcement des dispositifs pénaux existants
Délit de violation de domicile
(loi : art. 3 et art. 6, I / Code pénal : art. 226-4, al. 1er et al. 3 / circulaire JUSD2331904C du 23.11.23)
Le délit de violation de domicile est caractérisé par l'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.
Auparavant, la notion de domicile n’était pas définie par le Code pénal. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, constitue un domicile le lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux (par exemple : Cass. Crim : 23.5.95, n° 94-81141 ; Cass. Crim : 26.6.02, n° 01-88474).
La circulaire du 23 novembre 2023 souligne qu’il ressort de cette jurisprudence qu'une condamnation pour violation de domicile pourra être prononcée, alors même que le domicile en cause ne serait pas un local d’habitation contenant des biens meubles, s’il est établi que l’auteur s’est introduit à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, dans un lieu où une personne peut se dire chez elle. Par exemple : la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que certaines dépendances d’une habitation, comme une terrasse, qui ne répondent pas aux critères mentionnés dans l’alinéa ajouté à l’article 226-4 du Code pénal, peuvent constituer des domiciles protégés par la loi pénale (Cass. Crim : 8.2.94, n° 92-83.151). De même, un domicile non habité, comme une résidence secondaire, est protégé par le délit de violation de domicile.
La loi du 27 juillet 2023 s’inscrit dans cette jurisprudence. Elle prévoit que constitue notamment le domicile d’une personne, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non (Code pénal : art. 226-4, al. 3).
Cette précision rend le délit de violation de domicile applicable aux logements inoccupés contenant des meubles, pour lequel les fluides (électricité, eau) ont été coupés, ce qui, en l’état de la jurisprudence, pouvait apparaître incertain (cf. amendement n° 127).
Par ailleurs, les peines relatives au délit de violation de domicile sont renforcées. L'introduction ou le maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est désormais puni de trois ans d'emprisonnement (un an auparavant) et de 45.000 euros d’amende (et non plus 15.000 euros).
Éclairage du Conseil constitutionnel : le Conseil juge qu’il était possible pour le législateur de prévoir que constitue notamment le domicile d’une personne, un local d’habitation dans lequel se trouvent des biens meubles lui appartenant. Toutefois, il émet une réserve d’interprétation en précisant que la présence de tels meubles ne saurait à elle seule, caractériser le délit de violation de domicile et qu’il appartiendra au juge d’apprécier si leur présence permet de considérer que la personne a le droit de s’y dire chez elle (C. Constit. : 26.7.23, n° 2023-853 DC) ; la présence de meubles appartenant à la victime dans les lieux investis et occupés constitue un indice de l’existence d’un domicile (circulaire du 23.11.23). Pour cette appréciation, il convient de se référer aux meubles meublants (Code civil : art. 534), qui signalent une occupation effective des lieux à titre de domicile (chaises, lit, canapé, appareils électroménagers, etc.).
Caractérisation du délit de violation de domicile Outre la condition tenant à l’introduction dans un domicile, la caractérisation du délit suppose de rapporter la preuve que les faits ont été commis à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. |
Délit d’"usurpation d’identité de propriétaire" (se dire faussement propriétaire)
(loi : art. 5 / Code pénal : art. 313-6-1 / circulaire JUSD2331904C du 23.11.23)
De nombreux candidats locataires en recherche d’une location sont confrontés à des personnes se faisant passer pour le propriétaire d’un bien afin de le louer.
Face à cette pratique, la loi durcit les sanctions prévues en cas de mise à disposition d’un bien immobilier appartenant à un tiers sans son consentement. L’auteur de ce délit s’expose à une peine d’emprisonnement de 3 ans (auparavant 1 an) et à une amende de 45.000 euros (auparavant 15.000 euros).
La circulaire du 23 novembre 2023 précise qu’est incriminé le fait de mettre à disposition d’un tiers, en vue qu’il y établisse son habitation moyennant le versement d’une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l’autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien.
Ce délit permet de sanctionner les intermédiaires qui mettent frauduleusement un logement à disposition de tiers sans l’accord du propriétaire, générant ainsi une situation d’occupation illicite.
Suppression des délais pour quitter les lieux en cas de squat
(loi : art. 2 et 10, II / CPCE : L. 412-3, L. 412-4 et L. 412-6)
En principe, lorsque l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement de quitter les lieux.
À l’expiration de ce délai, le juge peut accorder des délais (dits de "grâce") renouvelables aux occupants dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
La loi prévoit que lorsque l’occupant est entré dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, il ne pourra pas bénéficier ni du délai de deux mois suivant la signification du commandement de quitter les lieux, ni de délais de grâce.
Éclairage du Conseil constitutionnel : le Conseil constitutionnel juge qu’en supprimant le bénéfice des délais de grâce à ces occupants, le législateur a assuré une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre d’une part les exigences constitutionnelles du droit à l’accès à un logement décent et d’autre part le droit de propriété ainsi que le droit d’obtenir l’exécution des décisions de justice.
Par ailleurs, il est en principe sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée entre le 1er novembre de chaque année et le 31 mars de l'année suivante (période dite de "trêve hivernale"), à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans le respect de l'unité et des besoins de la famille.
Par dérogation, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par "voies de fait". La loi étend le champ de cette dérogation en se référant aux "manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte".
Procédure administrative d’évacuation des squats
(loi : art. 6, II / loi du 5.3.07 : art. 38 / circulaire NOR :TREL2327219C du 4.5.24)
La loi modifie la procédure administrative d’évacuation des squats, prévue à l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le Droit au logement opposable (DALO), modifié en dernier lieu par la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification publique, dite "loi ASAP" (cf. Analyse juridique n° 2020-22).
Dans le cadre de la relance de l’observatoire des squats et dans l’objectif de mesurer l’efficacité de la loi, la circulaire du 4 mai 2024 demande aux préfets de faire remonter mensuellement les données relatives à la procédure administrative d’évacuation forcée prévue à l’article 38 de la loi DALO.
Rappel de la procédure en vigueur L’article 38 de la loi du 5 mars 2007 encadre la procédure administrative d’expulsion.
Il s’agit de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant frauduleux de quitter les lieux dans un délai de 48 heures à compter de la réception de la demande. Ce dernier est tenu de procéder à l’évacuation forcée du logement. Seule la méconnaissance des conditions déjà citées ou l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général peuvent l’amener à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision doivent être communiqués sans délai au demandeur. La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à 24 heures. Elle est notifiée aux occupants, à l’auteur de la demande (le cas échéant) et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. Cette procédure permet au préfet, après mise en demeure, d’évacuer des personnes s’étant introduites et maintenues dans le domicile d’autrui, sans recours préalable au juge. Elle est ainsi dérogatoire par rapport au principe selon lequel l’expulsion de l’occupant d’un domicile ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice et après signification d’un commandement de quitter les lieux. Cette dérogation résulte de la volonté du législateur de permettre au propriétaire ou au locataire qui subit les conséquences de ce délit de bénéficier d’une procédure plus rapide que celle qui prévaut dans le cas d’un litige classique entre propriétaire et locataire (non-paiement du loyer, arrivée à terme du bail, etc.), afin qu’il puisse retrouver rapidement la jouissance de son domicile. |
Ouverture du champ d’application de la procédure
(loi : art. 6, II, 1°, a, b, c / loi du 5.3.07 : art. 38, al. 1er / circulaire NOR : TREL2327219C du 4.5.24)
Le champ d’application de la procédure administrative d’évacuation des squats est élargi : la procédure visait le domicile d’autrui, "qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale". Le texte étend le champ de la procédure à tout "local à usage d’habitation".
Cette mesure vise à ouvrir la procédure à de nouvelles situations de squat, par exemple, aux logements vides, aux biens inclus dans une succession en cours, aux logements entre deux locations ou juste après l’achèvement de la construction, avant que le propriétaire n’ait eu le temps d’emménager. En revanche, les lieux destinés à un autre usage demeurent exclus, sauf à ce qu’ils constituent le domicile de leur occupant.
En cohérence, le texte vise désormais le "propriétaire du local occupé" parmi les personnes légitimes à demander au préfet d’intervenir. Il devra apporter la preuve que le bien occupé constitue sa propriété. Lorsqu’il s’agit d’un local à usage d’habitation et non du domicile, la demande ne peut émaner que du propriétaire du local (et non de toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte du propriétaire).
La circulaire du 4 mai 2024 précise que, pour que la procédure soit applicable, les deux conditions d’introduction et de maintien dans les lieux à l’aide de manœuvres, de menaces, voies de fait ou contraintes sont cumulatives.
Constat de l’occupation illicite d’un logement : extension aux maires et aux commissaires de justice
(loi : art. 6, II, 1°, d / loi du 5.3.07 : art. 38, al. 1er)
La faculté de constater l’occupation illicite est élargie aux maires et aux commissaires de justice et n’est plus limitée aux officiers de police judiciaire.
Cette mesure est destinée à accélérer le déroulement de la procédure administrative d’expulsion.
Preuve de la propriété et saisine de l’administration fiscale par le préfet
(loi : art. 6, II, 2° / loi du 5.3.07 : art. 38, al. 2 / circulaire NOR : TREL2327219C du 4.5.24)
Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison du squat (par exemple, s’il ne peut accéder à son logement pour récupérer les documents nécessaires), il revient au représentant de l’État dans le département, dans un délai de 72 heures, de saisir l’administration fiscale pour établir ce droit. Il y a lieu de considérer que le délai de 48 heures pour l’instruction de la demande commence à courir à compter du retour de l’administration fiscale.
Instruction de la demande et prise prise en compte de la situation personnelle et familiale de l’occupant
(loi : art. 6, II, 4° / loi du 5.3.07 : art. 38, al. 3 / circulaire NOR : TREL2327219C du 4.5.24)
Dans le cadre de la procédure administrative, la décision de mise en demeure doit être prise par le représentant de l’État dans le département dans un délai de 48 heures à compter de la réception de la demande si celle-ci est complète.
Le représentant de l’État peut prendre une décision de refus uniquement dans celui-ci est motivé par la méconnaissance des conditions prévues par l’article 38 de la loi ou par l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général. Toutefois, la circulaire du 4 mai 2024 appelle à une interprétation stricte de cette exception.
Pour mémoire, le Conseil constitutionnel avait été saisi d'une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la procédure administrative d’expulsion (cf. Habitat Actualité n° 191). Dans sa décision du 24 mars 2023, il avait déclaré le dispositif conforme à la Constitution, sous réserve que les autorités préfectorales prennent en compte la situation personnelle ou familiale de l’occupant dont l’évacuation est demandée.
Pour tenir compte de cette réserve, le préfet doit avoir pris en considération la situation personnelle et familiale de l’occupant avant de lui adresser une mise en demeure.
Les préfets sont invités à évaluer les possibilités d’hébergement ou de relogement des personnes concernées lorsque qu’il s’agit de publics vulnérables et notamment de mineurs. La recherche d’une telle solution pourra notamment justifier du choix du délai d’exécution fixé dans la mise en demeure sans toutefois faire obstacle à l’évacuation effective des lieux dans un délai raisonnable.
L’évacuation doit avoir lieu dès la fin du délai d’exécution fixé par la mise en demeure de quitter les lieux, sans délai complémentaire, sauf opposition du demandeur dans ledit délai.
Cas de l’occupation des locaux ne constituant pas le domicile du demandeur
(loi : art. 6, II, 5° / loi du 5.3.07 : art. 38, al. 4)
Lorsque le local occupé constitue le domicile du demandeur, la mise en demeure du représentant de l’État dans le département est assortie d’un délai d’exécution d’au moins 24 heures.
Lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur (exemple du propriétaire non-occupant), la loi prévoit que :
- le délai d’exécution de la décision du représentant de l’État, indiquée dans sa mise en demeure, est porté à sept jours ;
- l’introduction d’une requête en référé (suspension, liberté ou référé mesures utiles / CJA : L.521‑1 à L.521‑3) suspend l’exécution de la décision du représentant de l’État.
Mettre à disposition des locaux vacants à des fins sociales
Pour mémoire, des organismes publics ou privés agréés par l’État ont la possibilité de bénéficier de la mise à disposition de locaux vacants, via la signature d’une convention avec leur propriétaire.
Ces organismes s’engagent à entretenir les locaux et à les rendre au propriétaire à l’échéance prévue. Ils peuvent y loger des résidents temporaires, par la signature d’un contrat de résidence temporaire et contre le versement d’une redevance.
Introduit à titre expérimental par la loi Molle du 25 mars 2009, le dispositif devait expirer le 31 décembre 2013.
Il a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2018 par la loi ALUR du 24 mars 2014 (cf. Habitat Actualité spécial loi ALUR), qui a également autorisé l’occupant temporaire des locaux à y mener des travaux d’aménagements, et a limité les conventions d’occupation à une période de trois ans, prorogeable par périodes d’un an.
Le dispositif a ensuite été prolongé jusqu’au 31 décembre 2023 par la loi ELAN du 23 novembre 2018, en précisant qu’il visait des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social (cf. Habitat Actualité spécial loi ELAN).
Pérennisation et sécurisation du dispositif
(loi : art. 8, I, 1° et 4° / loi du 23.11.18 : art. 29, al. 1 et al. 12)
La loi pérennise le dispositif d’occupation temporaire de locaux vacants par des organismes publics ou associations agréées par l’État à des fins de logement, d’hébergement, d’insertion et d’accompagnement social, en vue d’en assurer la protection et la préservation.
Afin de le sécuriser, la loi autorise l’État à vérifier la conformité de sa mise en œuvre aux dispositions légales et réglementaires applicables, lorsque des personnes morales de droit privé bénéficient de ce dispositif (cf. amendement n° 44).
Clarification du régime applicable aux contrats de résidence temporaire
(loi : art. 8, II / loi du 6.7.89 : art. 2, al. 8)
De nombreux propriétaires sont intéressés par le dispositif d’occupation temporaire à des fins sociales mais renoncent à y recourir faute de garantie juridique sur le caractère temporaire de l’occupation.
Afin de prémunir les contrats de résidence temporaire de tout risque de requalification en baux d’habitation, ces contrats sont désormais expressément exclus du champ d’application de la loi du 6 juillet 1989 régissant les rapports entre bailleurs et locataires occupant un logement à titre de résidence principale.
Simplification de la procédure d’expulsion des résidents temporaires
(loi : art. 8, I, 2° / loi du 23.11.18 : art. 29, al. 9)
Au terme du contrat de résidence temporaire, le résident est déchu de tout titre d'occupation.
La loi précise que s’il se maintient dans les lieux, l’organisme, l’association ou le propriétaire peut faire constater l’occupation sans droit ni titre en vue de leur libération, selon la procédure de l’ordonnance sur requête.
Jusqu’à présent, lorsque les organismes en charge de l’organisation de l’occupation temporaire de locaux vacants étaient confrontés à des résidents refusant de quitter les lieux après l’expiration du contrat d’occupation temporaire, ils étaient obligés d’engager une procédure devant le juge des contentieux de la protection, puis de les mettre à exécution.
Désormais, les démarches sont donc simplifiées pour obtenir une éventuelle expulsion de ces résidents, afin d’assurer la souplesse d’une occupation qui est par nature temporaire.
Le juge judiciaire peut statuer sur une demande d’expulsion au moyen d’une simple requête (CPC : art. 493 à art. 498).
Délais d’expulsion
(loi : art. 8, III / CPCE : L. 412-1, al. 1)
En principe, lorsque l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement d’avoir à libérer les lieux.
Désormais, lorsque la procédure d’expulsion porte sur un lieu habité en vertu du dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants à des fins sociales, le juge peut réduire ou supprimer ce délai.
Sécuriser les rapports locatifs
Rythme de la procédure avant l’audience
Généralisation de la clause résolutoire
(loi : art. 9, 1° / loi du 6.7.89 : art. 24, I, al. 1)
La plupart des baux d’habitation contiennent aujourd’hui une clause résolutoire, qui permet la résiliation de plein droit du contrat en cas d’impayés du dépôt de garantie, de loyer ou de charges aux termes convenus. L’insertion d’une telle clause dans le contrat était toutefois, jusqu’à présent, facultative.
La loi prévoit que dans les baux d’habitation à titre de résidence principale, une clause de résiliation de plein droit pour défaut de paiement de loyer, des charges ou de non-versement du dépôt de garantie doit être prévue de façon systématique.
Suspension des effets de la clause résolutoire
(loi : art. 10, 5° / loi du 6.7.89 : art. 24, I, al. 1 et al. 3)
La clause résolutoire prévue au contrat ne produit ses effets qu’après un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement de payer demeuré infructueux. Ce délai permet au locataire d’organiser le remboursement de sa dette.
La loi réduit ce délai de suspension des effets de la clause résolutoire à six semaines.
Les mentions obligatoires du commandement de payer sont donc modifiées pour prendre en compte ce nouveau délai.
Signalement des commandements de payer aux CCAPEX
(loi : art. 10, I, 5°, c / loi du 6.7.89 : art. 24, I, al. 10)
Pour mémoire, le représentant de l'État dans le département fixe, par arrêté, le montant et l'ancienneté de la dette au-delà desquels les commandements de payer (délivrés pour le compte d'un bailleur personne physique ou société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus), sont signalés à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX).
La loi prévoit d’harmoniser sur l’ensemble du territoire le seuil de signalement des commandements de payer par le commissaire de justice à la CCAPEX en faisant référence à deux critères :
- des impayés (loyer ou charges) sans interruption depuis une durée de deux mois ;
- ou lorsque la dette de loyer ou de charges est égale à deux fois le montant du loyer mensuel hors charges.
Ce signalement doit être fait dès lors que l'un des deux seuils est atteint.
Le commissaire de justice devra préciser les coordonnées téléphoniques et électroniques et la situation socio-économique des occupants au vu des informations en sa connaissance.
Comme auparavant, ce signalement devra s'effectuer par voie électronique par l'intermédiaire du système d'information dédié à la prévention des expulsions (loi Besson du 31.5.90 : art. 7-2).
Réalisation du diagnostic social et financier (DSF) au stade du signalement
(loi : art. 10, I, 5°, d / loi du 6.7.89 : art. 24, I, al. 12)
Dès le signalement du Commandement de payer (CDP) par le commissaire de justice à la CCAPEX, le préfet devra saisir l’organisme compétent désigné par le Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), afin qu’il réalise un Diagnostic social et financier (DSF) pour les locataires ainsi signalés. Le diagnostic devra être transmis par l’opérateur à la CCAPEX avant l’expiration du délai de six semaines prévu entre l’assignation et l’audience.
L’objectif de cette mesure est de déclencher le DSF dès la transmission du CDP à la CCAPEX (et non plus entre l’assignation et l’audience) et ainsi d’initier le travail social le plus précocement possible. Cela devrait conduire à ce qu’un nombre significatif de DSF soit réalisé en vue de l’audience.
Délai entre l’assignation et l’audience
(loi : art. 10, I, 6 ° / loi du 6.7.89 : art. 24, III)
Lorsque le tribunal judiciaire est saisi d’une demande de constat de la résiliation du bail, l’assignation est notifiée par le commissaire de justice au représentant de l’État dans le département.
Initialement, le délai minimal entre cette notification de l’assignation et l’audience était de deux mois. Il est désormais réduit à six semaines.
Prérogatives du juge
Mise en place d’un échéancier de paiement judiciaire
(loi : art. 9, 3° et art. 9, 2° / loi du 6.7.89 : art. 24, V et III)
La loi prévoit que le représentant de l’État dans le département est dans l’obligation d’informer le locataire de son droit de demander au juge des délais de paiement.
Par ailleurs, les modalités de mise en place de cet échéancier de paiement par le juge sont désormais encadrées. L’octroi par le juge des délais de paiement (jusqu’à trois ans, comme auparavant) pour régulariser la dette locative pourra être accordé à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à deux conditions :
- le locataire doit être en situation de régler sa dette locative ;
- il doit avoir repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience.
Comme auparavant, pour apprécier ces éléments, le juge pourra vérifier d’office tout élément constitutif de la dette locative et le respect des exigences relevant de la décence.
Suspension des effets de la clause résolutoire
(loi : art. 9, 4° / loi du 6.7.89 : art. 24, VII)
Auparavant, l’octroi de délais de paiement entraînait de façon systématique une suspension des effets de la clause résolutoire.
La loi prévoit dorénavant que les effets de la clause résolutoire ne pourront être suspendus pendant le cours des délais de paiement accordés par le juge que :
- si le juge est saisi d’une demande en ce sens par le bailleur ou par le locataire ;
- à la condition que le locataire ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience.
Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans les conditions prévues par le plan d’apurement judiciaire.
Expulsion
Délai de deux mois à la suite du commandement de quitter les lieux
(loi : art. 10, II, 1° / CPCE : L.412-1, al. 2)
En principe, lorsque l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification d’un commandement de quitter les lieux. Le juge peut réduire ou supprimer ce délai, lorsque la procédure de relogement n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire (CPCE : L. 412-1, al. 1er).
La loi complète ces dispositions et prévoit que ce délai de deux mois accordé pour quitter les lieux ne s’applique pas lorsque :
- le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ;
- les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.
Bénéfice des délais de grâce
(loi : art. 10, II, 2°, a, b et 3° et art. 2 / CPCE : L.412-3, al. 3 et al. 4 et L.412-4)
La loi prévoit qu’en principe, le juge peut accorder des délais (dits de "grâce") renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Toutefois, cette possibilité pour le juge d’octroyer des délais de grâce est exclue lorsque :
- le propriétaire exerce son droit de reprise (dans le cadre de l’article 19 de la loi du 1er septembre 1948) ;
- ou lorsque la procédure de relogement n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire.
La loi prévoit deux autres cas d’exclusion :
- lorsque le locataire est de mauvaise foi ;
- lorsque l’occupant dont l’expulsion a été ordonnée est entré dans les locaux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.
La durée de ces délais a également été réduite par la loi (CPCE : L. 412-4). Elle ne peut être inférieure à un mois (au lieu de trois mois actuellement) ni supérieure à un an (contre trois ans aujourd’hui).
Réparation en cas de refus de concours de la force
(loi : art. 11, 1° / CPCE : L.153-1)
La loi prévoit la publication d’un décret en Conseil d’État visant à préciser les modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire, en cas de refus du concours de la force publique pour procéder à l’exécution d’une mesure d’expulsion.
Ajustements rédactionnels (le "commissaire" de justice remplace "l’huissier" de justice)
(loi : art. 10, I, 1°, art. 10, I, 2°, art. 10, I, 3°, art. 10, I, 4°, art. 10, I, 5°, art. 10, I, 6°, art. 10, I, 7°, art. 10, I, 8° et 11, 2° / loi du 6.7.89 : art. 3-2, art. 4, art. 14-1, art. 15, art. 24, I, al. 10, art. 24, III, art. 25-8 et art. 25-15 / CPCE : L.153-2)
La loi procède à plusieurs ajustements rédactionnels en faisant référence au "commissaire de justice" à la place de "l’huissier de justice" dans les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et le Code des procédures civiles d’exécution.
Renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté
CCAPEX
(loi : art. 12, I / loi du 31.5.90 : art. 7-2)
La coordination des différents acteurs et instances est l’un des principaux enjeux en matière de prévention des expulsions locatives. Cette coordination est organisée dans le cadre de la CCAPEX.
Une CCAPEX doit être créée dans chaque département. Elle est chargée de la coordination, de l’évaluation et de l’orientation du dispositif de prévention des expulsions locatives défini par le PDALHPD et la charte pour la prévention de l'expulsion.
La loi modifie complètement les conditions de fonctionnement de la CCAPEX. Elle renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer la composition et les modalités de fonctionnement de la commission, notamment du système d’information de prévention des expulsions locatives qui en permet la gestion.
À noter, les règles relatives à la saisine de la CCAPEX et d’alerte restent inchangées
Co-présidence de la CCAPEX
Désormais, la CCAPEX est co-présidée par le représentant de l’État dans le département, le président du Conseil départemental et le président de la métropole lorsqu’il assure la gestion d’un Fonds de solidarité pour le logement (FSL) intercommunal.
L’inclusion des métropoles dans la co-présidence de la CCAPEX, en plus du représentant de l’État dans le département et de celui du Conseil départemental, a pour objectif d’améliorer les possibilités d’apurement des dettes locatives à travers la mobilisation du FSL dont les métropoles assurent désormais la gestion sur leur territoire.
Missions confiées à la CCAPEX
Depuis leur création, le champ des missions de la CCAPEX s’est progressivement étendu.
La loi ALUR du 24 mars 2014 a notamment renforcé son rôle (cf. Habitat Actualité spécial ALUR), en lui confiant une mission de traitement des situations individuelles, en délivrant des avis et des recommandations à tout organisme ou personne susceptible de participer à la prévention de l’expulsion, ainsi qu’aux bailleurs et aux locataires concernés par une situation d’impayé ou de menace d’expulsion.
La loi prévoit de confier à la CCAPEX de nouvelles missions :
- elle décide du maintien ou de la suspension de l’aide personnelle au logement, lorsque le bénéficiaire ne règle pas la dépense de logement (CCH : L.824-2) ;
- elle oriente et répartit entre ses membres le traitement des signalements de personnes en impayé locatif notifiés par les commissaires de justice au représentant de l’État dans le département afin d’assurer leur accompagnement social et budgétaire, l’apurement de leur dette et, le cas échéant, leur relogement. L’orientation auprès des services sociaux des Conseils départementaux, des FSL et des commissions de surendettement s’effectue par voie électronique (par l’intermédiaire du système d’information de prévention des expulsions locatives EXPLOC) ;
- elle émet des avis et des recommandations en matière d’attribution d’aides financières sous forme de prêts ou de subventions et d’Accompagnement social lié au logement (ASLL), suivant la répartition des responsabilités prévue par la charte de prévention de l’expulsion.
Information de la CCAPEX
Par ailleurs, la commission devra être informée des décisions prises à la suite de ses avis et être destinataire du Diagnostic social et financier, le cas échéant.
La CCAPEX est informée par le préfet dans le département :
- des situations faisant l’objet d’un commandement d’avoir à libérer les locaux lui ayant été signalées (CPCE : L.412-5) ;
- de toute demande et octroi du concours de la force publique en vue de procéder à l’expulsion d’un lieu habité.
Par ailleurs, elle est informée par le commissaire de justice chargés de l’exécution des opérations (par l’intermédiaire du système d’information EXPLOC) :
- de toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée ou accordant des délais de paiement dans un délai défini par décret (à paraître) ;
- des opérations d’expulsion de lieux habités qu’il réalise.
Secret professionnel
La loi prévoit que les membres de la CCAPEX et les personnes chargées de l’instruction des saisines sont soumis au secret professionnel.
Par ailleurs, par dérogations au délit pénal d’atteinte au secret professionnel (Code pénal : art. 226-13), les services instructeurs de la CCAPEX sont autorisés :
- à se voir transmettre par les professionnels de l’action sociale et médico-sociale (CASF : L.116-1) les informations confidentielles dont ils disposent et qui sont strictement nécessaires à l’évaluation de la situation du ménage au regard de la menace d’expulsion dont il fait l’objet ;
- à transmettre des informations confidentielles à l’opérateur désigné par le PDALHPD pour réaliser les DSF.
Articulation CCAPEX / FSL et CCAPEX / SIAO
La loi prévoit que pour permettre le maintien dans les lieux, le relogement ou l’hébergement d’un locataire menacé d’expulsion dont elle a connaissance, la CCAPEX peut saisir directement les organismes publics ou les personnes morales suivants :
- le FSL, pour qu’il instruise une demande d’apurement de la dette locative (lorsque son aide peut permettre le maintien dans les lieux ou le relogement d’un locataire en situation d’impayé) ;
- le Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO), systématiquement, dès lors que la commission s’est vue notifier par le préfet un octroi de concours de la force publique, afin qu’il soit procédé à l’enregistrement d’une demande d’hébergement du ménage et éviter la mise à la rue.
Jusqu’à présent, les occupants étaient contraints de contacter les SIAO une fois expulsés de leur logement.
Ces saisines s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information de prévention des expulsions locatives.
Rôles de la CAF et de la CCAPEX en cas d’impayé
(loi : art. 12, II / CCH : L.824-2)
Pour mémoire, la loi ALUR du 24 mars 2014 (cf. Habitat Actualité spécial Loi ALUR) a posé le principe selon lequel, lorsque le bénéficiaire de l'aide personnelle au logement ne règle pas la dépense de logement, l'organisme payeur maintient le versement de l'aide au bénéficiaire de bonne foi (disposition aujourd’hui codifiée à l’article L.824-2 du CCH). Dans le cas contraire, la CAF décide du maintien ou non du versement (CCH : R.824-1 et suivants).
La loi modifie ce dispositif et définit précisément les rôles respectifs de la CAF et de la CCAPEX en cas d’impayé locatif.
La CCAPEX occupe désormais un rôle décisionnaire : face à un impayé locatif, l’organisme payeur saisit la CCAPEX afin qu’elle décide du maintien ou non du versement de l’aide. Il procède ensuite à la mise en place des démarches d’accompagnement social et budgétaire du ménage pour établir un DSF de la situation du locataire et remédier à sa situation d’endettement. Le diagnostic est transmis à la CCAPEX.
Cette saisine et la transmission du DSF s’effectuent par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information EXPLOC.
Ainsi, la loi attribue à la Caf le rôle premier de diagnostic de l’impayé et d’accompagnement socio-budgétaire de l’allocataire défaillant. La CCAPEX rendra sa décision sur la base du diagnostic fourni par la Caf.
Les modalités d’application de cette disposition seront fixées par la voie réglementaire.
Transmission dématérialisée du procès-verbal d’expulsion au préfet et à la CCAPEX
(loi : art. 12, III / CPCE : L.431-3)
La loi dispose que lorsque l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, le commissaire de justice chargé de l’expulsion transmet une copie du procès-verbal d’expulsion (signifié ou remis à la personne expulsée) au préfet ainsi qu’à la CCAPEX par l’intermédiaire du système d’information EXPLOC.
Accompagnement social personnalisé : extension au préfet et à la CCAPEX de la faculté de saisine du juge pour son octroi ou sa suspension
(loi : art. 13 / CASF : L.271-5, al. 1 et al. 5)
Les Mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) ont été créées par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, notamment aux fins de prévention des expulsions locatives (CASF : L.271-1 à L.271-8).
Les MASP sont des mesures administratives mises en œuvre par les services sociaux des départements à destination de personnes majeures en difficulté, pour les accompagner notamment dans la gestion de leurs ressources et de leurs allocations, en particulier en cas de risque pour leur sécurité ou leur santé.
La loi prévoit qu’en cas de refus par le locataire du contrat d'accompagnement social personnalisé ou de non-respect de ses clauses, le président du Conseil départemental, et désormais, le préfet ou la CCAPEX peuvent demander au juge du tribunal judiciaire que soit procédé au versement mensuel direct au bailleur, des prestations sociales dont l'intéressé est bénéficiaire à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont il est redevable (CASF : L.271-5, al. 1). Cette procédure pourra être mise en œuvre dès lors que l’intéressé ne s'est pas acquitté de ses obligations locatives depuis au moins deux mois.
Ainsi, il est possible pour le préfet et la CCAPEX, comme c’était le cas auparavant pour le président du Conseil départemental, de déclencher une MASP du locataire, lorsque les impayés résultent de difficultés de gestion. Toutefois, cette mesure ne peut avoir pour effet de priver ce dernier des ressources nécessaires à sa subsistance et à celle des personnes dont il assume la charge effective et permanente. Le juge fixe la durée du prélèvement dans la limite de deux ans renouvelables sans que la durée totale de celui-ci puisse excéder quatre ans.
Le président du Conseil départemental, le préfet ou la CCAPEX peuvent saisir le juge à tout moment pour mettre fin à la mesure (CASF : L.271-5, al. 5).