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Quels sont les effets d'un bail consenti à plusieurs colocataires non mariés ?

N° 2006-02 /A jour au 15 janvier 2014


Il est fréquent qu'un bail à usage d'habitation soit consenti à deux ou plusieurs personnes non mariées ; il peut s'agir de concubins ou de personnes qui louent ensemble un logement.
A défaut de texte particulier, cette situation devrait s'analyser par rapport au droit général des obligations ; l'obligation est dite conjointe, la pluralité de débiteurs entraîne la division de l'obligation en autant de fractions qu'il existe de débiteurs.

Ce principe connaît, toutefois, deux exceptions majeures que l'on retrouve dans le droit de la location : la solidarité et l'indivisibilité.
Les effets de la cotitularité sont différents suivant la présence ou non d'une clause de solidarité dans le bail.

Les effets de la solidarité dans le cas d'un contenant une clause de solidarité

Dans quelles situations la solidarité des co-preneurs peut-elle se rencontrer ?
La solidarité ne se présume pas. Elle ne joue que si elle est expressément prévue au contrat de location. L'article 1202 du Code Civil exige une stipulation expresse, mais sa forme n'a pas été précisée : l'usage des termes solidarité ou solidaire n'est pas indispensable, toute expression équivalente doit être admise, dès lors qu'elle exprime avec suffisamment de clarté la volonté des parties.
En tout état de cause, il appartient au juge d'apprécier si la solidarité ressort de manière certaine de l'engagement des parties. En cas de doute, la solidarité doit être écartée (Code Civil : art. 1162).

Dans l'hypothèse où une clause expresse de solidarité est prévue au bail, quels sont ses effets dans le paiement des dettes résultant du bail, en matière de congé délivré soit par le bailleur, soit par un seul des co-preneurs ?

La solidarité dans le paiement des dettes résultant du bail

Rapport entre le bailleur et les co-preneurs

La solidarité joue pleinement pour le paiement les dettes résultant du contrat de location, qu'il s'agisse du paiement des loyers, des charges ou des réparations locatives, sauf convention contraire entre les parties. Le bailleur peut, soit poursuivre indifféremment l'un quelconque des co-preneurs, soit les poursuivre tous ensemble. Le co-preneur poursuivi, seul, ne peut se soustraire à la demande de paiement intégral de la dette.

Rapport entre les co-preneurs

 Le co-preneur est en droit de se retourner contre les autres co-preneurs afin d'obtenir le remboursement de la part que chacun devait supporter. Etant titulaire d'une obligation conjointe et non d'une obligation solidaire à l'égard des autres co-preneurs, il ne peut demander à chacun que sa part dans la dette. En cas d'insolvabilité de l'un d'entre eux, la part de celui qui est insolvable est répartie entre les co-preneurs solvables.·

La solidarité et le congé délivré par l'un des co-preneurs

En cas de séparation des co-preneurs, il est fréquent que le co-preneur quittant le logement, notifie au bailleur un congé dans le but de se trouver dégagé de son obligation du paiement des loyers.
La jurisprudence a pu apporter les précisions suivantes :

  • le congé donné par l'un des co-preneurs seul est inopposable au bailleur (CA Nîmes 25.2.88) ;
  • le co-preneur délivrant le congé n'est pas libéré de son obligation solidaire à l'égard du bailleur. La solidarité doit durer jusqu'au terme du bail en cours (Cass. Civ. III : 21.11.90) ;
  • le congé ne met pas fin au bail pour les autres co-preneurs (Cass. Civ III : 22.5.13, n° 12-17969, Cass. Soc : 27.1.61 - Cass. Soc 12.5.64). Le congé donné par l'un des co-preneurs n'a, semble-t-il, d'autre effet que d'informer le bailleur de son départ.

Comment analyser la situation du co-preneur après son congé ?
La doctrine, par renvoi à l'article 1216 du Code Civil, assimile sa situation à celle du codébiteur qui n'est plus intéressé à l'affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement. La solidarité demeure, mais elle produit les mêmes effets que la caution. Le co-preneur qui a donné congé devient garant des obligations du ou des co-preneurs restés dans les lieux et ce, jusqu'au terme du contrat de location. Dans ses rapports avec les co-preneurs restés dans les lieux, le co-preneur ayant donné congé, bénéficie des mêmes recours que la caution à l'encontre des autres co-preneurs, car il n'est plus intéressé à la dette.

La solidarité et le congé délivré par le bailleur

Le congé délivré par le bailleur à un seul des co-preneurs, vaut congé à l'égard de tous les co-preneurs. Il s'agit là d'une conséquence de la solidarité qui emporte représentation des parties les unes par rapport aux autres. Cette position a été retenue par la Cour de Cassation à trois reprises, mais elle est contestée par la doctrine qui considère que la solidarité n'a d'effet que pour le paiement des dettes et non pour la représentation des parties entre elles (Cass. Soc : 4.4.57 ; Cass. Civ. III 20.7.89 ; Cass. Civ. III 21.10.92).

Cotitularité dans le cas d'un bail sans clause de solidarité : application du principe d'invisibilité

L’indivisibilité dans le paiement des dettes résultant du bail

Lorsque plusieurs personnes sont tenues d’une même obligation, celle-ci est dite conjointe. Elle se divise en autant de fractions qu’il existe de débiteurs. Le créancier ne peut demander à chacun de ses débiteurs que ce qui lui est personnellement dû par ceux-ci. La dette se divise par tête, en autant de fractions (par parts égales ou non) qu’il y a de débiteurs.

Pour faire obstacle au fractionnement d’une obligation, il est possible de retenir l’indivisibilité. Elle permet au créancier de réclamer à chacun, indifféremment à l'un ou à l'autre des débiteurs, le paiement de l'intégralité de la dette. L’obligation indivisible est celle dont l’exécution partielle est impossible en raison soit de la nature de l’obligation soit de la volonté des parties. En matière de bail, en l’absence de clause expresse et même si l’obligation au paiement d’une somme d’argent est par nature divisible, l’indivisibilité du droit de jouissance entraînerait par réciprocité celle de l’obligation au paiement du loyer.

La Cour de cassation a affirmé que la dette de loyer n’est pas, par elle-même, indivisible (Cass. Civ III : 30.10.13, n° 12-21034).
L’indivisibilité de la dette peut être expresse. Dans certaines circonstances, il semble que l’indivisibilité de la dette puisse résulter de l’économie du contrat : en ce sens, dans un arrêt où il était question d’un bail à usage professionnel, la Cour a considéré que la clause, ouvrant à l’un des colocataires la faculté de résilier le contrat, emportait indivisibilité de la dette locative (Cass. Civ III : 30.10.13, n° 12-21973).

Congé délivré par un co-preneur

Chaque co-preneur a la possibilité de donner congé au bailleur, même sans l'accord des autres. Il reste tenu au paiement des obligations résultant du bail, jusqu'à la date de prise d'effet de son congé ; il n'est pas tenu au paiement des dettes postérieures à son congé (Cass. Civ. 21.11.90).

Congé délivré par le bailleur

En l'absence de clause de solidarité, le bailleur est tenu d'adresser à chaque co-preneur un congé.

Restitution du dépôt de garantie

Le co-preneur, qui délivre seul un congé, ne peut exiger la restitution d'une fraction du dépôt de garantie. Le remboursement du dépôt de garantie suppose la restitution effective des lieux (Cass. Civ. III : 21.11.90). Lorsque l'ensemble des co-preneurs, solidaires ou non, donne congé, le montant du dépôt de garantie sera versé, indifféremment à l'un ou l'autre des co-preneurs, sauf mention particulière au bail.

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