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Réforme de la prescription en matière civile

N° 2008-29 / A jour au 18 juin 2008
Démarre le téléchargement du fichierLoi du 17.6.08 : JO du 18.6.08

La loi du 17 juin 2008 simplifie et clarifie le régime des prescriptions civiles et procède à la réécriture des dispositions du code civil relatives à la prescription.

Elle porte essentiellement sur la prescription extinctive qui a été clarifiée. Il s’agit d’un « mode d’extinction du droit résultant de l’inaction par son titulaire pendant un certain laps de temps » (code civil : art.2219). La prescription acquisitive est définie comme « un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre, ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi » (code civil : art.2258).
Ex : la propriété s’acquière au bout de trente ans, le délai étant porté à dix ans pour ceux qui acquièrent de bonne foi et à juste titre, sans aucune autre conditions (code civil : art.2272).

Elle instaure également de nouvelles définitions pour la suspension et l’interruption : la suspension arrête temporairement le cours  de la prescription sans effacer le délai acquis, tandis que l’interruption efface le délai acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien (code civil : art.2230, 2231). Par ailleurs, la suspension a été étendue aux litiges pour lesquels les parties conviennent de recourir à une médiation ou à une conciliation (code civil : art.2238).

Certaines règles sont maintenues. Ainsi, le droit de propriété reste imprescriptible, la prescription se compte en jours, la citation en justice, même en référé, interrompt la prescription. De même, et sans mention expresse de la loi, certaines dispositions spécifiques découlant du droit de la copropriété et du droit locatif sont conservées.
Ex : les actions découlant de l’article 42 al 1 du 10.7.65 restent soumises à la prescription de dix ans : respect des clauses du règlement de copropriété, les actions en paiement ou en répétition des charges de copropriété… De même, les actions en répétition des loyers et charges pour les locations HLM ou les baux issues de la loi de 1948 se prescrivent par trois ans (loi du 1.9.48 : art.68).

De nouveaux délais de prescription extinctive

La prescription de droit commun est fixée à cinq ans (Code civil : art.2224)

La prescription trentenaire n’est plus le délai de droit commun, celui-ci étant porté à cinq ans pour les actions mobilières ou personnelles, y compris en matière commerciale.
Ex : les actions en paiement ou en répétition de l’indu des loyers et charges pour les baux d’habitation issus de la loi du 6.7.89, les actions en paiement des loyers pour les baux d’habitation issus de la loi de 1948 ainsi que les baux HLM, les actions engagées sur le fondement des vices du consentement tels que le dol.

Ce délai reste de trente ans pour les actions réelles immobilières (code civil : art.2227, à l’exclusion de celles relatives au droit de propriété qui reste imprescriptible).
Ex : une action tendant à la démolition d’un équipement empiétant sur une partie privative d’une copropriété, ou une action en revendication d’une partie commune engagée par le syndicat contre le copropriétaire sont des actions réelles se prescrivant par trente ans.

Une nouvelle architecture pour les prescriptions particulières qui sont simplifiées :

Prescription de deux ans : les actions en responsabilité engagées contre les huissiers pour la perte ou la destruction de pièces confiées dans l’exécution d’une commission ou d’une signification d’acte.

Prescription de cinq ans :
  • les actions en responsabilité engagées contre les personnes assistant ou représentant les parties en justice (code civil : art.2225) ;
  • les actions en recouvrement exercées par les notaires, huissiers ou avoués pour le recouvrement de leurs frais (loi 17.6.08 : art.8) ;
  • les actions engagées entre un non commerçant et un commerçant (loi 17.6.08 : art.15).

Ex : les actions en responsabilité engagées contre un syndic ayant la qualité de commerçant, contre les agents immobiliers, contre les banquiers à l’occasion d’un prêt immobilier.

Prescription de dix ans :
  • les actions en responsabilité engagées contre les constructeurs et les sous-traitants qu’il s’agisse de la responsabilité de plein droit, ou de la responsabilité contractuelle de droit commun, sous réserve des règles spécifiques relatives à la garantie biennale pour les équipements, et à la garantie de parfait achèvement (code civil : art.1792-4-3),
    Le texte consacre les solutions retenues par la jurisprudence des deux dernières années, alignant le régime de responsabilité contractuelle de droit commun sur celui de la responsabilité légale, à savoir dix ans à compter de la réception.
  • les actions engagées pour l’exécution des titres exécutoires (jugements, sentences arbitrales, transactions homologuées ou constatées par un juge), sauf si les actions en recouvrement en découlant se prescrivent par un délai plus long (loi 17.6.08 : art.23).
    Ne seront pas concernés les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ou les titres délivrés par les huissiers en cas de non-paiement d’un chèque.
Prescription de trente ans

Les actions en responsabilité en raison de dommages causés à l’environnement par des installations, travaux, ouvrages et activités régis par le code de l’environnement (loi 17.6.08 : art.14).

Les délais de prescription peuvent être aménagés contractuellement, sous certaines conditions (code civil : art.2254).
Les parties peuvent réduire ou augmenter les délais par écrit sans toutefois qu’ils puissent être inférieurs à un an, ou supérieurs à dix ans. Elles peuvent également instaurer de nouvelles causes de suspension ou d’interruption des délais, en dehors de celles prévues par la loi.

Ces aménagements ne sont pas applicables dans les cas suivants :

  • les actions en paiement des charges locatives, ou plus généralement les actions en paiement de tout ce qui est payable par années, ou à des termes périodiques plus courts ;
  • les actions résultant d’un contrat d’assurance (code des assurances : L.114-3) ;
  • les actions résultant de contrats passés entre un consommateur et un professionnel (code de la consommation : L.37-1).

De nouvelles modalités de décompte de la prescription extinctive

Un point de départ a été fixé pour le délai de droit commun (code civil : art.2224)

Il court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu, ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer (code civil : art.2224). Il sera identique pour les actions réelles immobilières.

Un délai butoir de vingt ans a été instauré (code civil : art.2232)

Pour éviter que certaines actions soient imprescriptibles en raison du point de départ cité ci dessus, un délai butoir a été instauré : l’action sera prescrite 20 ans après le fait générateur, c’est-à-dire le fait ayant donné naissance au droit et non après la connaissance du fait par son titulaire. On parle alors de « point de départ glissant ».
Ainsi, la suspension ou l’interruption du délai ne peut avoir pour effet de porter la prescription au delà de 20 ans, à compter de la naissance du droit.
Certains butoirs qui existent déjà ont été maintenus.
Ex : l’action en responsabilité du fait des produits défectueux reste soumise à un délai de prescription de dix ans à compter de la mise en circulation du produit défectueux (code civil : art.1386-16).

Application de la loi dans le temps

La prescription est acquise au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle

La loi nouvelle n’aura alors aucune incidence dès lors que l’action est prescrite.
Par exemple, dans le cas d’un notaire qui souhaite recouvrer ses frais auprès de l’acquéreur d’un bien immobilier dont la créance est née le 18 janvier 2006. Au terme des dispositions antérieures, l’action du notaire est prescrite (deux ans). Au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi, la prescription est acquise pour l’acquéreur, le notaire ne pouvant alors se prévaloir des dispositions nouvelles portant le délai de prescription à cinq ans.

La prescription n’est pas acquise au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle

La loi nouvelle réduit le délai de prescription
Le nouveau délai s’applique aux prescriptions en cours, sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
La loi nouvelle allonge le délai de prescription
Le nouveau délai s’applique dès lors que la prescription antérieure n’est pas expirée. Il est tenu compte du délai déjà écoulé.

Reprenons l’exemple des frais de notaire : si la créance naît le 18 janvier 2007, la loi nouvelle allonge le délai de prescription et le porte à cinq ans au lieu de deux. Au moment de son entrée en vigueur, un délai de un an et cinq mois est déjà écoulé. Il faudra alors en tenir compte. En conclusion, la prescription sera acquise dans trois ans et sept mois soit le 18 janvier 2012.

Une instance est introduite avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle

L’action sera poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne que l’affaire soit jugée en première instance, en appel ou en cassation.



ExempleRégime antérieurDepuis la loi du 17.6.08
Les actions personnelles ou mobilièresLes actions fondées sur le dol, vice du consentement30 ans
(code civil : art.2262)
5 ans
(code civil : art.2224)
Les actions réelles immobilières Les actions du syndicat pour mettre fin à une appropriation indue d’une partie commune30 ans
(code civil : art.2262)
30 ans
(code civil : art.2227)
Les actions tendant à la démolition d’un empiètement
Copropriété : les actions issues de l’application de la loi du 10.7.65Les actions en contestation des décisions prises en AG2 mois
(loi 10.7.65 : art.42 al2)
2 mois
(loi 10.7.65 : art.42 al 2)
les actions tendant au respect du règlement de copropriété, au  recouvrement des charges10 ans
(loi 10.7.65 : art.42 al 1)
10 ans
(loi 10.7.65 : art.42 al 1)
Location : baux d’habitation loi 6.7.89Les actions en restitution du dépôt de garantie

30 ans

(code civil : art.2262, Ca Bourges 7.6.01-prescription droit commun)
5 ans
(code civil : art.2224)

les actions en paiement/ en répétition de l’indu des loyers ou des charges locatives (loi 1989)5 ans
(code civil : art.2277)
Les actions en paiement du loyer ou des charges (baux loi 1948 et baux HLM)5 ans
(loi 1.9.48 : art.68, Civ III, 18.2.03)
Les actions en exécution des titres exécutoires30 ans
(code civil : art.2262)
10 ans
(loi 9.7.91 : art.3-1ajouté)
Les actions en responsabilité contre les personnes assistant les parties en justice30 ans
(code civil : art.2262, sauf pour les actions des avoués en paiement des honoraires : 2 ans)
5 ans
(code civil : art.2225)
Les actions en responsabilité contractuelle contre les constructeurs et les sous traitants30 ans / 10 ans
(code civil : art.2277 puis Civ III 2.11.06, 26.9.07)
10 ans
(code civil : art.1792-4-1 à 1792-4-3)
Les actions entre un commerçant et un non commerçant
  • Les actions en responsabilité contre le syndic ayant la qualité de commerçant
  • Les actions contre un banquier à l’occasion d’un  prêt immobilier
10 ans
(code de commerce : L.110-4)
5 ans
(code de commerce : L.110-4)
Les actions des professionnels pour les biens ou services fournis aux consommateursLes actions du banquier contre un emprunteur à l'occasion d'un prêt immobilier (RM JO AN 21.4.09)2 ans
(code de la consommation : L.137-2)
Les actions en recouvrement des frais de notaires / huissiers / avoués2 ans
(loi 24.12.1897 : art.2)
5 ans
(loi 24.12.1897 : art.2 modifié)
Les actions en responsabilité contre les huissiers (perte ou destruction de pièces)2 ans
(code civil : 2272)
2 ans
(loi 1897 : art.2 bis ajouté)
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