Réquisition des logements vacants avec attributaire
N° 2012-19 / À jour au 19 avril 2022
Loi du 29.7.98 : art. 52 / décrets n° 99-340 et n° 99-341 du 29.4.99 : JO du 5.5.99 / décret n° 2006-1652 du 21.12.06 / CCH : L.642-1 à L.642-28 et R.641-1 à R.641-12 / loi du 27.5.09 : art. 33 / loi du 18.1.13 : art. 7 et art. 8 / loi du 23.12.18 : JO du 24.12.18 / décret n° 2019-635 du 24.6.19 : JO du 25.6.19
La réquisition est l’acte par lequel l’autorité administrative impose, dans un but d’intérêt général, à une personne privée, le transfert de propriété ou d’usage de son bien immobilier moyennant indemnité.
En parallèle de la réquisition de droit commun (ordonnance du 21.10.45 et du 21.12.58), un régime de réquisition avec attributaire prononcée par le préfet a été institué par la loi du 29 juillet 1998, ainsi que par les décret du 29 avril 1999. Ces textes sont codifiés dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH). Ce régime de réquisition créé un "intermédiaire" entre le propriétaire des locaux réquisitionnés et le bénéficiaire : l’attributaire, qui assure les travaux nécessaires à la place du bénéficiaire du logement et verse directement une indemnité au propriétaire. La réquisition avec attributaire applicable en métropole a été étendue aux DOM avec la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
La loi ELAN du 23 novembre 2018 ajuste la procédure pour permettre la réquisition des logements à des fins d’hébergement d’urgence de personnes sans abri. Par ailleurs, elle prévoit une adaptation de la procédure dans les Quartiers prioritaires de la ville (QPV). Le décret du 24 juin 2019 en précise les dispositions réglementaires.
Locaux réquisitionnables
(CCH : L.642-1)
Le préfet peut réquisitionner des locaux appartenant à des personnes morales, qui sont vacants depuis plus de 12 mois, dans les communes où existent d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande de logements au détriment de personnes à revenus modestes et de personnes défavorisées.
Les locaux détenus par des sociétés civiles constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ne peuvent faire l’objet d’une procédure de réquisition avec attributaire.
Locaux réquisitionnables dans des QPV
Lorsque les locaux réquisitionnables sont situés dans un Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), l'accord du maire de la commune d'implantation sur la réquisition est nécessaire (CCH : L. 642-1). Le préfet doit transmettre au maire les informations dont il dispose en ce qui concerne l'usage prévu pour ces locaux, l'attributaire et les bénéficiaires envisagés pour la réquisition (CCH : L.642-9 et R.642-7). Après réception de ces éléments, le maire dispose d’un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la demande d'accord pour s'opposer à la réquisition. À défaut de veto dans ce délai, son accord est réputé favorable. Si le maire donne son accord, alors le préfet peut notifier sa décision au titulaire du droit d’usage (CCH : R.642-8).
Durée de la réquisition
La durée de la réquisition est fixée une première fois par le préfet dans l'arrêté d'intention de réquisition. Cependant, la durée indiquée dans l'arrêté de réquisition lui-même ne pourra excéder celle précisée dans l'arrêté d'intention de réquisition.
En logement ordinaire
Elle est fixée à un an (au moins) et six ans (au plus) lorsqu’il s’agit d’un logement ordinaire sans travaux ou avec travaux de faible importance ; cependant, en cas de travaux importants, la durée maximum peut être portée à 12 ans.
Les locaux régulièrement affectés à un usage autre que l’habitation peuvent, à l’expiration de la réquisition, retrouver leur affectation sur simple déclaration.
En hébergement d’urgence
La loi ELAN introduit une durée de la réquisition avec attributaire légalement définie, en fonction de l'objectif poursuivi, à savoir donner à bail un logement à des personnes modestes ou défavorisées.
La réquisition peut aller jusqu’à deux ans lorsque le logement (sans ou avec travaux de faible importance) est destiné à de l’hébergement d’urgence ; en cas de travaux importants, la durée maximum peut être portée à quatre ans.
Procédure de réquisition et moyens de préfet
Repérage des logements vacants
Le préfet peut nommer des agents assermentés, astreints au secret professionnel, pour l’assister dans la procédure de réquisition. Ceux-ci peuvent :
- consulter les fichiers des organismes chargés de la distribution de l’eau, du gaz, de l’électricité, du téléphone, ainsi que les fichiers tenus par les professionnels, en vue de recenser les locaux vacants ;
- visiter, accompagnés le cas échéant d’experts, les locaux susceptibles d’être réquisitionnés, avec l’accord du propriétaire ou, à défaut, sur autorisation du juge judiciaire.
Les services fiscaux fournissent en outre au préfet, les informations nominatives dont ils disposent sur la vacance (non-paiement de la taxe d’habitation notamment).
Notification de la réquisition
Après avoir sollicité l’avis du maire, le préfet notifie au titulaire du droit d’usage des locaux (propriétaire, usufruitier, toute personne ayant un droit d’usage et d’habitation...) :
- l’intention de procéder à une réquisition ;
- la liste des éventuels attributaires ;
- le projet de convention d’attribution, lorsque l’attributaire est une collectivité territoriale ou un organisme agréé dont l’objet est de contribuer au logement des personnes défavorisées.
La notification, qui indique les motifs et la durée de la réquisition envisagée, est adressée au titulaire du droit d’usage par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Réponse du titulaire du droit d’usage à la notification de réquisition
Dans les deux mois suivant la notification, le titulaire du droit d’usage peut faire connaître au préfet :
- soit son accord ou son opposition ;
- soit son intention de mettre fin à la vacance dans un délai de trois mois au plus à compter de la notification ;
- soit son engagement d’effectuer les travaux nécessaires pour mettre fin lui-même à la vacance ; dans ce cas, un échéancier de réalisation des travaux et de mise en location, qui ne peut excéder 24 mois, est soumis à l’approbation du préfet. Le délai de réalisation des travaux et de mise en location court à compter de l’approbation de l’échéancier.
À compter de la réponse du titulaire du droit d’usage ou à l’issue du délai de deux mois et au plus tard quatre mois à compter de la notification de l’intention de réquisitionner, le préfet lui notifie sa décision (arrêté de réquisition, accord sur l’échéancier ou abandon de la procédure) par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Le titulaire du droit d'usage qui s'est engagé à mettre fin à la vacance ou à réaliser les travaux justifie de l'exécution de son engagement sur la demande du préfet. En l'absence de justification utile, le préfet peut notifier l'arrêté de réquisition.
En cas d’arrêté de réquisition, celui-ci indique l’attributaire et la durée de la réquisition. À défaut de retour dans les 10 jours de l’avis de réception de la notification, il est affiché à la porte des locaux réquisitionnés.
À compter du retour dans les 10 jours de l’avis de réception de la notification ou à défaut, à l’expiration d’un délai de dix jours à compter de l’affichage, le préfet peut requérir la force publique pour entrer dans les lieux.
Organismes attributaires
(CCH : L.642-4)
Le préfet désigne l'attributaire. Il doit le choisir parmi des personnes morales limitativement énumérées selon l'objectif de la réquisition, à savoir le logement ordinaire ou, depuis la loi ELAN, l'hébergement d'urgence.
L’attributaire est l’organisme auquel le local est attribué par le préfet, à charge pour lui de le mettre en location : ce peut être l’État, une collectivité territoriale, un organisme HLM, une SEM, un organisme agréé par le préfet et dont l’un des objets est de contribuer au logement des personnes défavorisées, un organisme bénéficiant de l'agrément relatif à la Maîtrise d'ouvrage (MOI) ou de celui de l'Intermédiation locative et la gestion locative sociale (IL/GLS). En ce qui concerne la réquisition à des fins d’hébergement d’urgence des personnes sans abri, l'organisme attributaire doit être conventionné par l'État à cette fin (CCH : L.642-3).
L’attributaire peut réaliser des travaux, payés par lui, de mise aux normes minimales de confort et d’habitabilité. Il exerce un droit de jouissance sur les logements réquisitionnés et doit ainsi :
- soit les mettre à disposition de personnes sans-abri, afin d’assurer leur hébergement d’urgence ;
- soit les donner à bail à des personnes justifiant de ressources inférieures à un plafond et désignées par le préfet. Les bénéficiaires des logements réquisitionnés avec attributaire sont désignés par le préfet de département selon deux critères :
- ces personnes doivent justifier de ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources HLM (plafonds de ressources PLAI). Pour en savoir plus consultez l’Analyse juridique n° 2021-13 relative aux plafonds de ressources pour l’attribution de logements sociaux ;
- ces personnes sont désignées en raison de leurs mauvaises conditions de logement. Le préfet apprécie librement ces mauvaises conditions au regard de l'article 4 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
À noter que les rapports entre l'État et les autres attributaires sont régis par une convention.
Relations entre le titulaire du droit d’usage et l’attributaire
Les relations entre le titulaire du droit d’usage et l’attributaire sont régies par les dispositions du Code civil relatif au louage de choses. Le contentieux entre le propriétaire et l’attributaire relève du juge judiciaire.
L’attributaire informe le titulaire du droit d’usage de la nature des travaux qu’il réalise et de leur délai d’exécution ; il lui communique le tableau d’amortissement du coût de ces travaux.
À compter de la prise de possession, l’attributaire verse chaque mois, une indemnité au titulaire du droit d’usage.
L’indemnité est égale au loyer, déduction faite de l’amortissement du montant des travaux nécessaires et payés par lui pour satisfaire aux normes minimales de confort et d’habitabilité et des frais de gestion des locaux. Lorsque le montant de l’amortissement des travaux et des frais de gestion est supérieur au loyer, aucune somme ne peut être perçue par le titulaire du droit d’usage. Les conditions de l’amortissement et du calcul des frais de gestion seront fixées par décret (décret n° 2019-635 du 24.6.19 : art. 7). Le loyer est déterminé en fonction du prix de base au m² de surface habitable.
Depuis le 1er septembre 2019, le prix de base mensuel au mètre carré de surface habitable utilisé pour le calcul du loyer du logement réquisitionné est fixé à (CCH : D. 642-12) :
- 5,34 € / m² à Paris et dans les communes limitrophes de Paris ;
- 4,57 € / m² dans le reste de l'agglomération parisienne ;
- 3,81 € / m² sur le reste du territoire.
Le juge judiciaire fixe, le cas échéant, l’indemnisation par l’État du préjudice matériel, direct et certain causé par la mise en œuvre de la réquisition.
Le titulaire du droit d’usage du local réquisitionné peut exercer un droit de reprise après neuf ans, à compter de la notification de l’arrêté de réquisition. Il doit, dans ce cas, avoir adressé à l’attributaire un préavis d’un an et l’avoir indemnisé, trois mois avant l’expiration du délai de préavis, du montant des travaux non amortis.
La vente ou la transmission à titre gratuit des locaux réquisitionnés n’affecte pas la réquisition.
En ce qui concerne la réquisition de logements vacants à des fins d’hébergement d’urgence des personnes sans-abri, l’indemnité doit être équivalente au loyer déterminé en fonction du prix de base au mètre carré de surface habitable. L'amortissement du montant des travaux nécessaires et payés par l'attributaire pour satisfaire aux normes minimales requises vient en déduction (CCH : L.642-15 et R.642-9).
Relations entre l’attributaire et le bénéficiaire
Les bénéficiaires du logement sont des personnes justifiant de ressources inférieures à 60 % du plafond de ressources HLM et désignées par le préfet en raison de leurs mauvaises conditions de logement.
Les bénéficiaires de locaux réquisitionnés à des fins d’hébergement d’urgence sont des personnes sans-abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale (CCH : L.642-5). Les conditions d’accueil dans ces locaux réquisitionnés répondent aux objectifs poursuivis par les hébergements d’urgence (CASF : L.345-2-2).
Conclusion du bail
L’attributaire conclut avec le bénéficiaire (l’occupant du logement) un bail régi par la loi du 6 juillet 1989. Certaines conditions particulières sont prévues :
- la durée du bail est d’un an ou pour la durée de la réquisition restant à courir si celle-ci est inférieure à un an (CCH : L.642-22) ;
- aucun dépôt de garantie, ni caution simple ou solidaire, n’est demandé (CCH : L.642-22) ;
- le loyer payé chaque mois à terme échu est déterminé en fonction du prix de base au m² de surface habitable, fixé par décret (décret du 29.4.99 / CCH : L.642-23).
Ce prix est révisé au 1er janvier de chaque année par arrêté du ministre chargé du Logement en fonction de la variation de la moyenne de l’indice de référence des loyers de l’Insee en prenant en compte la valeur de cet indice correspondant au deuxième trimestre de l'année précédente (décret du 21.12.06 / CCH : R.642-12).
L’occupant peut donner congé à tout moment, avec un préavis d’un mois. Il ne peut céder, ni sous-louer le logement (CCH : L 642-24 et 25).
Expiration du bail
Trois mois avant l’expiration du bail intervenant avant la fin de la réquisition, le préfet peut proposer au bénéficiaire du logement un autre logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités. Sauf motif sérieux et légitime, en cas de refus de l’offre de relogement, le bénéficiaire est déchu de tout titre d’occupation au terme du contrat.
À défaut d’offre de relogement, le bail est reconduit pour un an ou pour la durée de la réquisition restant à courir si celle-ci est inférieure à un an.
Si au plus tard, trois mois avant la fin de la réquisition, le titulaire du droit d’usage et le bénéficiaire du logement n’ont pas conclu de bail, l’attributaire peut proposer au bénéficiaire, qui remplit les conditions d’attribution d’un logement HLM, la location d’un logement correspondant à ses besoins et à ses possibilités.
À défaut, le préfet doit proposer un logement au bénéficiaire, aux mêmes conditions. En cas de refus, le bénéficiaire est déchu de tout titre d’occupation à l’expiration de la réquisition.
Sanctions pénales
(CCH : L.642-28)
Les dispositions pénales (un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende) sont prévues pour ceux qui dissimuleraient frauduleusement la vacance de locaux ou détérioreraient des locaux en vue de faire obstacle à leur réquisition.