Actualisation du droit des outre-mer : Lutte contre l’habitat indigne / Maîtrise et aménagement foncier
N° 2015-31 / À jour au 29 octobre 2015
Loi n° 2015-1268 du 14.10.15 : JO du 15.10.15 / Loi relative à l’actualisation du droit des outre-mer
La loi d’actualisation du droit des outre-mer vise à adapter la législation en vigueur dans des collectivités ultramarines en matière de développement économique et social, de transports, d’aménagement du territoire. Elle comporte des mesures relatives à l’économie, à la fonction publique, à la maîtrise et à l'aménagement fonciers, aux collectivités territoriales, à la sûreté et à la sécurité, ainsi que des mises à jour tenant compte des évolutions statutaires de plusieurs collectivités d'outre-mer.
Seules les mesures relatives à la lutte contre l’habitat indigne et à la maîtrise et l’aménagement fonciers (chapitre II : art. 18 à 29) sont traitées dans cette note.
Mesures relatives à la lutte contre l'habitat indigne
Plan communal de lutte contre l’habitat indigne (PCLHI) (Loi d’actualisation du droit des outre-mer : art. 22 /CCH : L. 302-17 à L. 302-19)
La démarche de Plan communal de lutte contre l’habitat indigne (PCLHI) a été présentée, en premier lieu, par une circulaire interministérielle du 17 mai 2010. Puis, l’instruction du 31 mars 2014 a souligné l’intérêt d’engager une telle démarche en privilégiant le niveau intercommunal pour les communes appartenant à un EPCI à compétence « habitat ».
La loi d’actualisation du droit des outre-mer inscrit le PCLHI dans le Code de la construction et de l'habitation(CCH) et le rend obligatoire.
Élaboration du plan (CCH : L. 302-17)
Pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte et Saint-Martin, chaque commune doit disposer d'un plan local de lutte contre l'habitat indigne élaboré soit à son initiative (Plan communal de lutte contre l’habitat indigne - PCLHI), soit à celle de l'EPCI doté d’un programme local de l'habitat (PLH) dont elle est membre (Plan intercommunal de lutte contre l’habitat indigne - PILHI).
Ce plan local de lutte contre l'habitat indigne définit, pour une durée de six ans, à partir d'un diagnostic portant sur les différentes formes d'habitat indigne et informel, les objectifs et les actions prioritaires nécessaires à la résorption de ces habitats.
Lorsqu'une commune, membre d'un EPCI doté d’un PLH, a élaboré un plan communal de lutte contre l'habitat indigne, celui-ci est intégré dans le PLH et en constitue le volet relatif à l'habitat indigne pour la commune considérée.
Un EPCI peut engager et approuver un plan intercommunal de lutte contre l'habitat indigne. Il est intégré au PLH en cours d’élaboration (le cas échéant) lors de sa finalisation de celui-ci.
Lorsqu'une commune ou un EPCI engage un PCLH ou un PILHI, indépendamment de l'élaboration d’un PLH, les dispositions relatives aux modalités d'élaboration, d'association des personnes publiques et d'approbation du PLH (CCH : L. 302-2) lui sont applicables (CCH : L. 302-19).
Contenu du plan local de lutte contre l'habitat indigne (CCH : L. 302-18)
Le plan comporte :
- un repérage exhaustif des différentes formes d'habitat indigne et informel présentes sur le territoire de la commune ou des différentes communes incluses dans le périmètre de l'EPCI, comprenant :
- l'indication de l'état technique et sanitaire des locaux d'habitation ;
- le cas échéant, la mention de la situation des constructions au regard de la propriété du terrain d'assiette, ainsi que leur localisation au regard des risques naturels.
- la définition des objectifs quantitatifs et qualitatifs du traitement de l'habitat indigne et informel, tant en matière de politique urbaine que de politique sociale ;
- l'affichage des priorités d'action pour la durée du programme, résultant de l'analyse des urgences sur les plans sanitaire et social, en incluant les situations de grave exposition aux risques naturels, accompagné d'un calendrier prévisionnel ;
- l'affichage des moyens techniques, humains et financiers à mettre en œuvre ainsi que la programmation des procédures juridiques et opérationnelles à engager pour traiter les urgences repérées ;
- l'indication des modes de mise en œuvre du programme, de son pilotage et de son évaluation.
La mise en œuvre du plan local de lutte contre l'habitat indigne fait l'objet d'un protocole d'accord signé entre les communes ou l'EPCI concerné et l'État, associant, le cas échéant, d'autres collectivités ou organismes publics. Ce protocole d'accord précise les objectifs et actions à engager pendant la durée du plan.
Habitat informel / Démolition dans les zones exposées aux risques naturels (Loi d’actualisation du droit des outre- mer : art. 24 / loi Letchimy : art. 6)
En matière d’habitat informel, la loi Letchimy permet aux occupants de locaux d’habitation voués à la démolition du fait d’une opération publique d’aménagement d’obtenir, sous certaines conditions, une aide financière.
Hors opération d’aménagement, cette possibilité est également ouverte aux occupants de locaux d’habitation situés dans des zones exposées aux risques naturels, sous certaines conditions, lorsque la démolition de ces locaux s’impose en raison de menaces graves de sécurité (loi Letchimy : art.6).
Afin de clarifier l’autorité compétente chargée de désigner les constructions à démolir puis d’ordonner leur démolition, la loi d’actualisation du droit des outre-mer complète l’article 6 de la loi Letchimy.
Désormais, il appartient au maire et au préfet d’identifier conjointement, à l'initiative de l'un ou de l'autre, les situations justifiant la démolition des locaux. Le maire doit ensuite en ordonner la démolition et ce n’est qu’en cas de défaillance de sa part que le préfet intervient pour prononcer la démolition.
La démolition prononcée par le maire est fondée sur l’article 6 modifié de la loi Letchimy ou sur sa compétence en matière de police générale (en application du CGCT : L. 2212-2).
Habitat informel / Périmètre insalubre (Loi d’actualisation du droit des outre - mer : art. 25/ Loi Letchimy : art. 9)
En matière d’habitat informel, dans les secteurs hétérogènes comprenant à la fois des constructions à démolir et des constructions pouvant être conservées et /ou améliorées, la mesure de police prévue à l’article 9 de la loi Letchimy vise à contraindre les bailleurs « constructeurs » et les occupants « constructeurs » à réaliser des travaux de démolition ou d’amélioration des locaux et des installations afin de supprimer les risques qu’ils présentent pour la santé et la sécurité.
Chaque local, installation ou construction devra faire l’objet d’une appréciation sommaire distincte afin de préciser dans le rapport d’enquête de l’ARS ou du SCHS son état, les risques qu’il présente pour la santé ou la sécurité et les prescriptions envisagées.
Le préfet soumet ce rapport au CODERST à l’occasion d’une réunion de cette commission.
La loi d’actualisation du droit de l’outre-mer, complète l’article 9 de la loi Letchimy afin de préciser que le propriétaire du terrain ainsi que les constructeurs occupants ou bailleurs sont avisés de la date de réunion de la commission et de la faculté qu’ils ont d’y être entendus, à leur demande.
Cet avis est effectué par publication dans au moins un journal diffusé localement et par affichage à la mairie de la commune. L’affichage vaut notification aux personnes concernées.
Dispositions relatives à la maîtrise foncière et à l'aménagement
Agences des 50 pas géométriques (Loi d’actualisation du droit des outre-mer : art. 27 / loi n° 96-1241 du 30.12.64 : art. 4)
La zone dite des 50 pas géométriques est une bande de terrain délimitée sur le littoral, qui fait partie du domaine public maritime. La loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des 50 pas géométriques vise plus particulièrement les Antilles. Elle crée, sur chacun des départements de la Guadeloupe et de la Martinique, dans le but de l'amélioration des conditions de vie des occupants de la zone, un établissement public d'État dénommé « Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des 50 pas géométriques ». Ces agences sont placées sous la tutelle des ministères chargés de l'urbanisme et de l'outre-mer. Leur mission principale consiste à régulariser les occupants sans titre de la zone en leur permettant d’acquérir le terrain sur lequel est implantée leur habitation. Elles établissent également, après consultation des communes concernées, un programme d'équipement des terrains en voirie et réseaux divers, sur les secteurs urbanisés de la zone des 50 pas.
Mises en place de façon effective en 2001, les agences ont traité l'essentiel des demandes de régularisation déposées au titre de la loi de 1996 : pour autant, compte tenu de la complexité et de la lourdeur des procédures et de la faiblesse des revenus des occupants, seule une faible proportion des demandes a abouti à des cessions effectives. Les agences, qui assurent l'accompagnement des procédures jusqu'à leur terme, restent ainsi en charge d'un stock de dossiers très important.
En matière d'aménagement, le bilan est contrasté d'un territoire à l'autre, cependant les deux agences ont développé et réalisé un nombre conséquent d’études d'aménagement sur leur périmètre de compétence.
Initialement créées pour une durée de 15 ans, pouvant être prolongées jusqu’au 1er janvier 2016, les agences des 50 pas géométriques sont prorogées jusqu’au 1er janvier 2021 par l’article 27 de la loi, avec la possibilité pour les ayants-droit de déposer un dossier de régularisation jusqu’au 1er janvier 2020. La loi prévoit également de déclasser la partie urbanisée et d’urbanisation diffuse de la zone des 50 pas géométriques en organisant les conditions du transfert de propriété des terrains des agences vers le Conseil régional de la Guadeloupe et la collectivité territoriale de Martinique. Ce transfert s’opère à titre gratuit et les deux collectivités sont substituées à l’État dans l’ensemble des droits et obligations afférents aux biens qui lui sont transférées. La date de ce transfert est fixée au 1er janvier 2021 au plus tard.
En vue de ce transfert, l’État et le Conseil régional de la Guadeloupe, d’une part, et l’État et la collectivité territoriale de Martinique, d’autre part, adoptent, au plus tard le 1er janvier 2018, un document stratégique d’aménagement et de mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques pour chaque territoire.
Enfin, pour mieux préparer le transfert, la loi dispose que le préfet procède, au plus tard le 1er janvier 2020, à l’évaluation de l’état des cessions et des enjeux d’aménagement qui y sont liés ainsi qu’aux charges liées à ce transfert afin d’établir un bilan de l’activité de chacune des deux agences.
Un décret en Conseil d’État précisera les conditions de la dissolution de ces agences et prononcera, le cas échéant, le transfert des biens des agences après concertation entre les agences, l’État et le bénéficiaire.
Établissements publics fonciers et d’aménagement de Mayotte et de Guyane (Loi d’actualisation du droit des outre-mer : art. 18 / CU : L. 321-36-1 à L. 321-36-7)
La loi d’actualisation du droit des outre-mer crée les Établissements publics fonciers et d’aménagement de Mayotte (EPFAM) et de Guyane (EPAG) qui relèvent désormais du même régime que l’établissement Grand Paris Aménagement avec quelques adaptations tenant compte de leurs spécificités (notamment leur compétence en matière agricole et la composition du conseil d’administration).
La loi comporte peu de changements majeurs concernent l’EPAG, établissement créé en 1996. Elle prévoit simplement une actualisation, par décret, de ses statuts.
Pour Mayotte, la création de l’établissement foncier et d’aménagement favorisera l'accroissement des ressources foncières de l'île disponibles principalement pour le logement (et notamment le logement social) afin de faire face à une démographie en forte hausse. Les terrains portés par l’EPFA serviront également à la construction des équipements scolaires et à l’implantation d’entreprises.
L’EPFAM contribuera aussi à la régulation du marché foncier en visant notamment à minorer le prix des terrains, très élevé à Mayotte.Il permettra également de relancer le secteur de l’aménagement foncier.
Les deux établissements élaborent un projet stratégique opérationnel (PSO) et un programme pluriannuel d'intervention (PPI), approuvés par leur conseil d'administration. Le PSO définit leurs objectifs, leur stratégie et les moyens nécessaires pour y parvenir (CU : L.321-36-3).
Le conseil d’administration est composé à égalité de représentants de l’État et de représentants des collectivités locales. Le président est nommé par décret parmi les membres représentant l’État, afin de garder une prééminence de l’État dans l’établissement compte tenu de son mode de financement qui, dans un premier temps, sera uniquement assuré par une dotation budgétaire de l’État.
Les ressources de l’établissement sont composées :
- des ressources fiscales attribuées par la loi ;
- des dotations, subventions, avances, fonds de concours ou participations provenant de l'État, de l'Union européenne, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics, des sociétés nationales ou de toutes personnes publiques ou privées intéressées ;
- du produit des emprunts qu’il est autorisé à contracter;
- des subventions obtenues en lieu et place des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des sociétés intéressées en exécution de conventions conclues avec l'établissement ;
- du produit de la vente de ses biens meubles et immeubles et des revenus nets de ces derniers ;
- de dons et legs ;
- des rémunérations de prestations de services et des remboursements d'avances et de préfinancements divers consentis par l'établissement ;
- de toute autre ressource autorisée par une loi ou un règlement (CU : L. 321-36-6).
Un décret en Conseil d'État fixera les conditions d'application de cette sous-section (CU : L. 321-36-7).
Sociétés d’économie mixte Mayotte (Loi d’actualisation du droit des outre- mer : art. 29 / CCH : L. 472-1-10)
À Mayotte, les sociétés d’économie mixte de construction (CCH : L. 472-1-1) sont réputées agréées à la date de publication de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour exercer leur activité de construction et de gestion de logements sociaux (en application de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, et pour bénéficier d’exonérations fiscales et d’aides spécifiques de l’État au titre du service d’intérêt général défini à l’article L. 411-2).